Les plus belles grandes voies de Corse
Escalade en Corse : symphonie d’automne, le dos de l’éléphant et candella di l’oru. La Corse est une île magnifique qui concilie à merveille mer et montagne, c’est une destination de choix pour l’escalade avec ses nombreuses falaises. Si la Corse est souvent connue sur le « continent » pour sa bière à la châtaigne la Pietra, sa charcuterie locale avec ses Lonzo, Coppa et autres Figatellu, ses cannellonis à la brousse (le fameux brucciu), il y a une chose qui ne vous échappera pas si vous y grimpez : on trouve en Corse certaines des plus belles grandes voies de France.
Je vous propose de visiter en mots et en images trois des plus belles grandes voies de l’île de Beauté dans un niveau abordable en 6a : les voies sportives Symphonie d’Automne dans la haute-vallée de la Restonioca, le Dos de l’Eléphant dans le massif des aiguilles de Bavella et la voie en terrain d’aventure Candella di l’Oru dans la vallée de la Restonica. C’est en compagnie d’Eléna, Romain et Christophe que nous avons fait ce voyage sur le magnifique granite corse en septembre 2019.
Symphonie d’automne dans la haute-vallée de la Restonica (haute-Corse)
Symphonie d’Automne est la plus belle voie de Corse ? Peut-être. La plus photogénique, c’est certain. Imaginez vous grimper dans les calanques mais en montagne : c’est ce que nous offre Symphonie d’Automne. La voie s’élève au-dessus des eaux profondes du lac de Capitello sur la pointe des 7 lacs qui culmine à 2266 mètres dans la haute-vallée de la Restonica. Entièrement équipée, il vous faudra quelques dégaines et un peu de mental pour venir à bout de cette voie si unique.
L’approche de la voie se fait via Corte en prenant la direction de la Restonica. On laisse le véhicule au parking des bergeries de Grotelle (parking payant : 6 € en 2019) et de là 1h30 d’une belle randonnée dans la montagne corse conduit au lac de Capitello en passant par celui de Melo. Le chemin de randonnée offre une vue sur des paysages montagnards hors du communs où les pins laricio disparaissent peu à peu du paysage . A droite en montant, les aiguilles de granite du Lombarduccio rappellent étrangement les aiguilles de Chamonix en plus petit. La montagne s’offre à nous !
L’accès à la voie se fait depuis le bord du lac en se pendant à des câbles au-dessus de l’eau, on rejoint alors le premier relais. J’ai rajouté une plaquette en inox qui manquait, à 4 au relais c’est plus rassurant. Les 3 premières longueurs sont bien raides et continues. On grimpe au-dessus du lac et c’est juste MAGIQUE. En face, le Monte Rotondo nous fait de l’œil et on peut apercevoir les randonneurs qui passent le col du Bocca Alle Porte sur le GR20 au-dessus du lac.
Les 2 longueurs suivantes sont en dalle. C’est un peu engagé sans être trop perturbant si on pose bien ses pieds. Comme toujours des chaussons avec une bonne accroche simplifieront grandement le travail du leader !
Cette voie est une très bonne entrée en matière avant de parcourir les dalles du Dos de l’Eléphant. Attention, contrairement aux autres voies en basse vallée de la Restonica, on grimpe en montagne à plus de 2000 mètres et même en été, on a tendance à l’oublier, la météo peut vite changer. Une belle journée ensoleillée et chaude peut devenir ventée et très froide.
Descente : au sommet de la voie, on suit des vires kairnées vers la droite. Ne pas hésiter à s’encorder, c’est assez raide et ça plonge sous les pieds. On bute au bout des vires sur un petit ressaut qu’on désescalade avec un pas de 4. Un point d’assurage ou de rappel à cet endroit ne serait pas de trop !
Équipement du haut : Martial Lacroix, Jacky Maire, Michel Marquier, Pierre Sanchou le 11 novembre 1995
Topo : Grandes Voies de Corse de Bertrand Maurin et Thierry Souchard (site internet du topo). Ce topo est en vente au magasin de montagne Altipiani à Corte situé au centre ville place Pascal Paoli (http://www.altipiani-corse.com).
Hébergement et bon plan : sur Corte, plusieurs campings offrent des hébergements sous tente ou en dur. Le bar le Cirnéa sur la place Pascal Paoli est le lieu idéal pour boire un café en début de journée et les pains au chocolat dans la boulangerie à côté du bar sont parmi les meilleurs de Corse.
Le dos de l’éléphant dans le massif des aiguilles de Bavella (Corse du sud)
Le Dos de l’Elephant n’est plus à présenter. Voie mondialement connue, c’est l’une des plus belles escalades granitiques de France. C’est même pour moi la plus belle grande voie granitique équipée de France dans le niveau 6a, si on prend en compte la paroi sur laquelle se déroule la voie : de loin, ça parait si lisse et raide qu’on ne croit pas au projet d’escalader la pointe du Corbeau (Punta di u Corbu) par son échine sud. Contrairement à sa réputation, le Dos ce n’est pas que de la dalle et résumer la voie au bouclier de granite sommital serait dommage : plusieurs longueurs se déroulent le long de jolies fissures.
Après une première longueur en dalle bien sur les pieds et assez engagée qui met direct dans l’ambiance à froid, les longueurs suivantes se déroulent dans des fissures. C’est très agréable à grimper et magnifique. Le 6a de la seconde longueur comporte un petit pas de bloc sur un trou sous le relais et la troisième longueur en 6b+ remonte une bonne fissure avant de traverser à gauche. Dans cette traversée, 2 petits pas vous attendent mais ne sont pas obligatoires.
Suivent 2 longueurs (L4 et L5) cotées 5 sur le topo mais pas si faciles ! Le départ de L4 est un peu expo pour aller chercher le premier point et même si le topo ne stipule pas de prendre de coinceur, un petit friend (camalot 0.5) peut rassurer à cet endroit. La longueur suivante L5 est magnifique et très variée, en dalle puis fissure avec pas mal d’engagement. Ça donne le ton des 2 longueurs qui suivent.
On arrive dans la partie en dalle et là ça se corse, c’est le cas de le dire ! Les longueurs de dalles de L6 et L7 sont souvent qualifiées comme très engagées et terrifiantes pour les uns, comme jubilatoires pour les autres en fonction de la qualité de la gomme de vos chaussons et de votre capacité à accepter de supporter le poids du corps uniquement sur vos pieds en adhérence. Si vous aimez serrer des prises avec les orteils ou les doigts dans les longueurs, vous risquez d’être déçu ! Ces 2 longueurs se ressemblent même si j’ai trouvé L6 plus engagée et avec un pas expo pour aller mousquetonner le point au-dessus de la grosse taffoni au 2/3 de la longueur. Pour résumer ces 2 longueurs : c’est lisse mais adhérent avec quelques reliefs arrondis, on pose le pied et on avance mains à plat sans se poser de question. Exceptionnel !
Comme ça me démangeait depuis longtemps, j’ai testé le vol en dalle dans L7. En grimpant un peu vite, sur un déséquilibre, je sens que je pars en arrière… c’est parti ! Et bien ça ne ressemblait pas à un vol mais à une marche arrière rapide vers le bas sur cette paroi inclinée et lisse, je descends de 2 ou 3 mètres comme ça et en arrivant au niveau de mon dernier point, j’attrape la corde de l’assureur à la main et je m’arrête au niveau du point. Pas si pire au final !
Après ces 2 longueurs hors du commun et difficiles psychologiquement pour le leader, suivent 2 longueurs plus faciles (L8 et L9) mais avec le même programme : c’est sur les pieds que ça se passe même si des prises apparaissent ici et là. A la fin de L9, on retrouve des prises de mains franches, une fissure et on débouche à une belle plateforme d’où on contemple les aiguilles et la mer Méditerranée le cœur léger. Ouf !
Il est possible de ce point de continuer en 3 longueurs au sommet de la pointe du Corbeau. Nous choisissons la solution de facilité et la descente s’effectue en 7 rappels : 5 dans la voie puis 2 sur la gauche de la voie. La descente est particulièrement confortable avec les nouveaux relais posés en 2019. Après 4 rappels dans le haut, les longueurs L4 et L5 s’enchaînent avec un grand rappel de 50 mètres. Ensuite on quitte la voie pour descendre à un arbre équipé d’un câble (essayez de soulager l’arbre en n’étant pas à plusieurs sur le câble en utilisant une sangle pour se vacher dessus, un relais devrait bientôt être posé à la place). Le dernier rappel va directement au sol.
Ce magnifique voyage se termine là, il n’y a plus qu’à redescendre vers le Polischellu où une eau fraîche et limpide nous attend, l’endroit idéal pour la baignade l’été ou la contemplation l’automne et le printemps.
Un mot sur l’ouverture : le dos de l’éléphant a été ouverte du bas au tamponnoir et au marteau par Pierre D’Arbois, Pierre Faivre et Pascal Tanguy du 31 octobre au 2 novembre 1989. Un exploit à lui seul quand on imagine planter un spit au marteau en appui seulement sur les pieds… pas si facile de s’arrêter en pleine dalle, si bien qu’à l’ouverture la première longueur ne comptait que 3 points ! Ça vous permettra de relativiser si vous avez peur de vous engager de nos jours avec les rééquipements successifs de la voie sur de solides plaquettes inox de 10 mm bien plus nombreuses qu’en 1989…
Topos : le topo le plus complet est Bavella – Escalade en Corse de Jean-Paul Quilici et Jean-Louis Fenouil. La voie est également décrite dans Grandes Voies de Corse de Bertrand Maurin et Thierry Souchard. Ces topos sont en vente à l’auberge du col de Bavella.
Approche : en 1h15 du parking du canyoning du Polischellu. Ce timing est donné en connaissant l’approche qui est un peu paumatoire surtout au niveau de la traversée du Polischellu, prévoir un peu plus de temps si on se trompe (ahaha).
Hébergement : l’auberge du col de Bavella est un lieu incontournable pour résider dans le massif de Bavella. Vous ferez connaissance de Dédé le patron et de toute sa sympathique équipe qui accueille chaleureusement les touristes, les randonneurs en transit sur le GR20 et les grimpeurs quasiment toute l’année. Le site internet de l’auberge est http://www.auberge-bavella.com
Candella di l’oru à la punta Spenicazzia (haute-Corse)
Nous finissons notre visite de Corse par une voie en terrain d’aventure (TA). Pourquoi ? Parce que beaucoup de voies en Corse sont en TA et vous devrez vous munir de sangles et de coinceurs pour les parcourir. Candella di l’Oru est une très bonne entrée en matière dans un niveau ne dépassant pas le 5c avant de s’attaquer à des voies en terrain d’aventure plus sérieuses. Bienvenue au pays des taffoni corses !
Pour parcourir Candella di l’Oru, un petit jeu de friends sera nécessaire (camalots 0.3 à 1) mais surtout de nombreuses sangles (5 sangles de 120 cm est un minimum !) pour cravater les célèbres taffoni corses. Attention ça pique les yeux comme c’est beau. En prime on sort à un vrai sommet accessible uniquement en grimpant. Culminant à 1300 mètres, la punta Spenicazzia est un avant goût de la montagne corse.
La marche d’approche est déjà magnifique : au programme 1 heure de montée dans les grandes forêts de pins laricio qui dominent la vallée de la Restonica, une ambiance hors du commun avant de voir l’aiguille de la punta Spenicazzia qui dépasse au-dessus de nous.
La première longueur de la voie est la plus difficile à protéger. A cause du rocher mouillé, j’ai inauguré et purgé une variante de départ à droite du départ classique qui était trempé. Avec un petit jeu de camalot et en utilisant les quelques points (plaquettes) et cordelettes en place, on rejoint l’arête que nous suivons jusqu’au grand mur de taffoni en 3 longueurs. Cette partie de la voie est déjà majeure dans la cotation 5.
Les longueurs suivantes sont grandioses : on grimpe les 2 dernières dans un mur de taffoni absolument incroyable. Ça ne dépasse pas le 5c+ et l’assurage se réalise en grande partie en crochetant des taffoni et en suivant les cordelettes en place ici et là sur le rocher. Un ou deux spits indiquent la voie à droite dans le haut de la longueur. On peut également rajouter un coinceur ici et là. Le relais de cette première grande longueur se trouve dans une petite grotte où l’ambiance est démente. A la sortie de la grotte, un pas en surplomb nous mène à une ligne de fissures que nous remontons jusqu’à la vire sous le sommet. Là encore, on peut placer quelques coinceurs. Depuis la vire du relais, un pas de 3 mène au sommet.
La descente de la voie s’effectue en 2 rappels dans le grand mur final de taffoni puis un rappel de 50 mètres mène directement au sol.
Ouverture : Jacky Maire et Pierre Sanchou le 20 février 1998
Topo : Grandes Voies de Corse de Bertrand Maurin et Thierry Souchard (site internet du topo). Ce topo est en vente au magasin de montagne Altipiani à Corte situé au centre ville place Pascal Paoli (http://www.altipiani-corse.com).
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Si vous souhaitez obtenir plus d’information ou parcourir ces 3 voies avec un guide, n’hésitez pas à me contacter ! J’organise également des stages d’escalade en Corse chaque année.