Pèlerinage au Verdon : l’ange en décomposition
Nous sommes arrivés avec Laurent à la Palud-sur-Verdon avec l’objectif de parcourir une des voies modernes les plus prisées des gorges : Alix, punk de Vergons à la paroi du Duc. En ce mois de novembre 2015, le plus chaud de l’histoire, la Palud a retrouvé son calme, la saison estivale est finie et tous les bars du village sont à présent fermés. Même la boulangerie a fermé et de nouveaux gérants n’ouvriront qu’au printemps 2016. Sur la route des crêtes, les couleurs d’automne sont encore bien visibles, tout est calme, les voitures et les motos de touristes s’y font rares et les vautours y volent paisiblement.


La paroi du Duc où passe Alix est complétement trempée : les pluies de début novembre ont créé des résurgences sur toute la hauteur de la paroi. Ce ne sera pas pour 2015, nous partons donc pour Aiglun pour parcourir l’artisan du 8ème jour. Nous sommes de retour dans le Verdon 4 jours plus tard. Avant le retour sur Lyon, il reste un peu de jus pour faire un petit pèlerinage dans l’ange en décomposition, une des voies monument du Verdon.
L’Ange en décomposition monument de l’escalade au Verdon
L’Ange en décomposition est au Verdon ce qu’est la rose des sables à Buoux : une voie emblématique de la falaise. Pour une cotation de « seulement » 7a, vous avez un concentré d’histoire. Cette voie chef d’œuvre a été ouverte en 1982 par Philippe Mâcle, guide de haute-montagne et ouvreur talentueux (on lui doit de nombreuses classiques à Céüse notamment) disparu trop tôt en montagne. Sa voie a été rendue célèbre la même année par le film Opéra Vertical de Jean-Paul Janssen avec Patrick Edlinger : le fameux « vol » c’est là.
Pour moi cette voie était un rêve de gosse depuis ma première visite au Verdon en 1997 avec le club d’escalade de la MJC de Saint-Dié, inaccessible à l’époque où un 7a au Verdon était loin de mes capacités de jeune grimpeur de grès des Vosges. Lors de mes séjours dans le Verdon, l’occasion de gravir cette voie ne s’était pas présentée : trop de monde dedans, moi ou des seconds pas assez hardis ou un peu fatigués, mais je connaissais le pilier de l’Ange de 2 angles : de Rêve de Fer à sa gauche et de Rivière d’Argent à sa droite pour bien me rendre compte de l’ambiance. Mais avec le temps les rêves finissent par devenir réalité.
L’accès de la voie se fait en rappel depuis le sommet d’un pilier caractéristique. Une descente en rappel vers le Verdon est toujours une émotion : le vide y est extrêmement présent. Ce repérage de la voie du haut la démystifie un peu : les prises semblent abondantes et l’équipement est bien présent, l’idée d’errer sur de mauvaises réglettes 3 mètres au-dessus du dernier point s’éloigne vite. Nous atteignons la vire de départ en 2 rappels de 30 et 57 mètres.


La voie fait 3 longueurs. La première est un long 6c de presque 40 m qui navigue de trous en trous avec un zeste d’engagement. A part quelques trous patinés en début de longueur, le reste de la longueur est en très bon état.


La seconde longueur, cotée 7a, est décrite dans les topos avec un crux « patiné ». Encore des trous au départ de la longueur avant d’arriver dans la dalle ciselée du milieu qui marque le crux de la voie : une remontée de réglettes sur des trous de pieds bien noirs. Pour ma part, je glisse sur une prise de main noircie, il faudra revenir pour l’enchainement, de tout manière les babouches molles que j’ai aux pieds ne faisaient pas l’affaire aujourd’hui dans les trous, après 4 jours en grandes voies difficile de porter autre chose au soleil. Le reste de la longueur est une belle conti moderne comme je les affectionne : bonnes prises éloignées en mur raide. Au top.


Arrivé en haut du 7a, j’ai enchainé directement la longueur en 6a+ que j’ai trouvé très agréable. Dans un style cannelures du Verdon, tout en placement, on se faufile de bonnes prises en bonnes prises pour éviter les parties en dalle.
L’ange aura tenu ses promesses : un rappel, du gaz, du beau caillou (certes un peu patiné par endroit mais ça ne gâche pas le plaisir) et de la belle grimpe raide. Il ne manque que l’enchainement pour une visite réussie. Le froid et l’hiver arrive, ce sera au printemps.


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