Aiglun : les plus belles grandes voies de France
Aiglun est un petit village des Alpes Maritimes logé sur un versant très ensoleillé. Les gens du coin vous diront qu’il règne un micro-climat, c’est sans doute vrai quand on voit la différence de température avec le pays du Verdon tout proche.
Le coin est très prisé en haute-saison estivale pour la fameuse « clue » qui fait le bonheur des pratiquants de canyoning : l’Esteron a creusé dans le calcaire de hautes parois de plusieurs centaines de mètres. La paroi la plus médiatisée est sans doute la paroi Dérobée où des grandes voies extrêmes ont été tracées par Philippe Musatto : Ali Baba et les 40 voleurs pour ne citer que ces 2 voies.
Pourtant Aiglun ne se résume pas à ces voies dures puisque de nombreuses voies de tous niveaux parcourent les beaux murs de la clue. Certes Aiglun ne propose pas autant de voies que des sites comme les gorges du Verdon ou Presles mais la qualité des voies y est exceptionnelle puisque les parois sont verticales voire déversantes et le rocher y est très compact et offre une multitude de prises : gouttes d’eau, trous, colonnettes de toutes tailles, tout y est ! La hauteur moyenne des voies est de 200 mètres ce qui permet de sortir en quelques heures, idéal pour les courtes journées hivernales.
La grande voie la plus classique de la falaise dans un niveau de difficulté et d’équipement tout à fait abordable est la cerise sur le gâteau. Pour sortir des chemins battus, nous avons parcouru avec Laurent 3 voies un peu plus difficiles, particulièrement jolies, parmi les plus belles voies que j’ai pu parcourir en France. Rien que ça !
Un accès et un retour top rapide !
On accède au pied des différents secteurs en seulement 20 minutes de marche depuis le parking à côté de l’aire d’atterrissage des hélicoptères, la sente d’accès part à gauche du préau, puis tourne à gauche 300 mètres plus loin à la première fourche. Suivant le secteur (Saga ou Cerise), on quittera le sentier plus ou moins tôt pour se diriger vers la falaise.
Le retour se fait depuis le haut des voies en 20 à 30 minutes suivant le secteur où on grimpe : compter 20 minutes depuis Saga/Dissipation et 30 minutes depuis le haut de la Cerise.
Cocotte Minute (Aiglun) : une voie récente en dalle et légers dévers
Je commence par la moins déversante. Cocotte Minute se trouve juste à droite de la Cerise. Il s’agit d’une voie récente, ouverte en 2009 par Barbara et Bernard Duterte, qui emprunte les plus belles parties de la falaise : dalles, dévers, surplombs, bombés, tout y est. Après une longueur en dalle difficile à froid en 6c, nous buttons sous le dévers à colo. La petite (mais costaud) longueur qui suit déverse pas mal. J’ai trouvé que l’enchainement valait un bon 7b, je casse une prise au repos… dommage. On rejoint une vire par une longueur scabreuse en 4+ : attention si des cordées sont engagées dans la Cerise, ça parpine facilement dans ce coin de la falaise. Ensuite la voie s’attaque aux belles dalles du centre de la paroi en 2 longueurs exceptionnelles en 6b+ puis 6a+/b, avant de buter sous la partie déversante rouge du haut de la falaise.
Suit une grande longueur déversante bien aérienne avec un surplomb qui passe bien en libre autour de 7a+/b. Pour s’amuser, nous avons utilisé la colo au départ de Vertige (photo ci-dessous) avant de rejoindre notre longueur. On peut tirer après le surplomb encore sur 20 mètres de 6a+ (la longueur totale fait alors 52 mètres) jusqu’au relais sur la vire avant la longueur en 7b+. Cette solution nous parait meilleure qu’enchainer le 6a+ et le 7b+ d’après car l’assureur ne voit pas le grimpeur dans le dur.
Après cette grande longueur, une longueur très dure en 7b/+ vous attend. Pas évidente du tout à vue avec des prises qui piquent bien les doigts : première partie technique en bombé et dièdre techniques puis surplomb physique sur prises coupantes. Pas de doute, la voie est presque neuve ! Un beau challenge à vue pour doigts d’acier. Plus qu’à sortir par une belle longueur verdonesque en 6a+ sur dalle grise à cannelure et le tour est joué ! Retour à Aiglun en 30 minutes en remontant à un petit col au sommet de la face de droite (kairns).
Combinaison Saga/Dissipation (Aiglun): la classique ultra-variée en 6b/6c
Attention voie majeure : cette combinaison des 2 voies Saga et Dissipation présentée dans le livre de Philippe Mussatto emprunte les plus belles longueurs des 2 voies pour un voyage de 250 m très varié qui passe en dalles à trou, mur raide, dévers sur colo puis dalles à choux-fleur.
La voie commence par Saga. Après un mur raide de 15 mètres (plutôt 6b que 6a+), une longue traversée de 25 mètres en 6a où il faut bien gérer le tirage permet de rejoindre le premier relais. Suit une belle longueur en dalle en 6c et une longueur plus raide mais à très bonnes prises en 6b/+. Le bas de la paroi est à l’ombre jusqu’à 11 heures le matin ce qui permet de tirer quelques longueurs au frais, au moins 3 ou 4.
On arrive alors à une petite grotte logée sur une vire idéale pour taper le pique-nique à l’ombre. De là on repart à l’extrémité gauche de la vire au-dessus d’un petit bitard pour les longueurs de la fin de Dissipation. Fini l’escalade sur les pieds, il faut sortir les biscotaux pour 2 longueurs bien physiques. Les cotations du topo nous ont parues en-deçà de la difficulté des longueurs qui, lorsqu’on enchaine à vue, sont respectivement plus proches de 6c+ puis de 7a.
Passés les dévers, nous arrivons sous les dalles grises de la fin de Dissipation : 2 longueurs démentes autour du 6b, d’abord dans du raide en rocher gris ultra-sculpté puis dans une dalle à choux-fleur de toute beauté. Y’a pas à redire : dans ce niveau de difficulté, il n’y a pas plus belles longueurs. On rejoint alors une grande rampe ascendante vers la gauche où on fait relais.
Malheureusement nous n’avons pas trouvé la dernière longueur en 7a. Depuis la rampe où se trouve le dernier relais, vous pouvez avancer un peu et trouver un second relais au pied d’un arbre. De là part une longueur très déversante équipée sur spits, sans doute le 7a. Plus loin on trouve presque à l’extrémité gauche de la rampe, une longueur en dalle sur de vieux spits de 8 mm. Nous sommes sortis par les rochers brisés à gauche de la rampe. Retour au parking en 20 minutes après avoir atteint la crête.
L’artisan du 8ème jour (Aiglun) : ça déverse dans le 7a/7b
Le meilleur est pour la fin. Ou plutôt c’est la voie où tout a commencé pour moi puisque ce fut ma première voie à Aiglun. Il fallait être frais pour tenter les enchainements à vue des longueurs. Cette voie ouverte par Gérard Thomas est une référence dans le niveau 7b. Même si le niveau obligatoire n’est que de 6b/c, un niveau à vue de 7b semble tout indiqué pour se faire plaisir et ne pas saucissonner à tous les points. Les cotations du topo nous ont parues être des cotations qu’on trouve en falaise, sans notion de fatigue, donc bien justes. Il faut donc bien grimper tout le long !
Nous avons décidé avec Laurent de partir dans la longueur originale en 7b+. Difficile à froid, après un départ sur grosses prises et verrous, une petite traversée bien siouxe sur petites prises conduit à un dièdre déversant bien technique où il faut sortir écart et adhérence. J’avoue que l’enchainement de toutes les sections de la longueur, même entrecoupée de bon repos, me parait difficile et qu’elle mérite amplement sont 7b+.
Après ça une jolie dalle commune avec Dissipation permet de nous amener sous la longueur clé de la voie. Après une première partie bien soutenue en légers dévers, la longueur bute sous un toit. De là 2 options : gauche ou droite. L’option de gauche, même avec une prise taillée, m’a semblée beaucoup plus esthétique vu la colo géante au-dessus ! Je me suis un peu emballé sur la taille de la colo, les plus grosses ne sont pas toujours les plus prisues, et sans prendre assez de repos avant, je vole plus haut (argghh !). La longueur vaut encore bien son 7b+ falaise. Le relais se trouve dans un énorme arbre ultra-confort.
Juste au-dessus part la plus belle longueur de la voie à mon sens : 20 mètres de dévers sur colonnettes qui offre une grimpe bien rési où il faut pas mal de continuité pour enchainer. Il faut bien trouver les bonnes prises dans le haut sous peine d’exploser en vol ! La longueur est très bien équipée (trop ?) et il ne faut pas hésiter à passer des points dans l’enchainement pour s’économiser sous peine de se fatiguer très vite à clipper…
Après ce n’est pas fini : si vous n’étiez pas encre daubé, la longueur qui suit cotée 6c/7a (je penche plus pour un enchainement en 7a) fatigue bien les avant bras. Début technique, traversée qui ne l’est pas moins, toit ou il faut bloquer bas puis fin bien conti en 6b/+, tout y est ! Attention de bien gérer le tirage sous le toit sous peine de tracter la corde dans le haut.
Après une courte longueur de 15 mètres en 6c/7a bien bloc (un mouvement) permet de donner accès aux 2 dernières longueurs en 7a+.
Les deux dernières longueurs de la fin offre une escalade ultra-conti sur grosses prises. Le premier 7a+ sur grosses prises est très homogène avec une section un peu plus marquée mais qui se négocie bien si on part du bon côté. S’il vous reste un peu de force et que la continuité est votre amie, l’enchainement est largement faisable. Attention, il manque un spit de 10 mm au relais de cette avant-dernière longueur…
La dernière longueur passe dans le gros nez final. C’est impressionnant du bas mais ça passe bien sur bons trous qui coupent bien les doigts au passage : n’hésitez pas à tenter l’enchainement, ça passe bien ! Du sommet de ce nez, il ne reste plus qu’à rejoindre la crête par 45 mètres de bartassage.
En conclusion, l’artisan du 8ème jour est une bien belle voie avec des longueurs qui « grimpent » tout le long mais où l’équipement abondant permet de sortir même complétement « pété ». C’est aussi ça l’escalade moderne : le plaisir avant tout sans stress.
Après l’effort le réconfort…
Un séjour par Aiglun doit forcément comporter une halte à l’auberge Calendal au centre du village. Réconfort après la grimpe : bière pression, pizzas géantes et plateau de fromages de pays à volonté, desserts de fou, … de quoi bien grimper le lendemain !
Infos pratiques
Les meilleures périodes pour grimper à Aiglun sont l’automne et le printemps. Il est tout à fait possible d’y grimper l’hiver avec des journées ensoleillées si on part suffisamment tôt, pas trop quand même car les voies passent au soleil à 10 heures (secteur Cerise) et 11 heures (secteur Saga). De plus, passée l’affluence de la saison estivale, le village est plus tranquille.
L’auberge de Calendal vous accueille au centre du village pour boire une bière, manger ou dormir (site internet). Petite info pratique : le vendredi c’est pizza.
Le topo est celui des Alpes-Maritimes. Les topos de pas mal de voies récentes sont sur le site de guides06 : par exemple, l’artisan du 8ème jour et cocotte minute.
Côté matos : celui classique de grande voie sportive. Nous avons hissé le sac dans toutes les longueurs sauf dans le 4+ de Cocotte Minute et à la sortie de Dissipation. Le hissage est donc conseillé surtout pour l’artisan du 8ème jour.