Equipement

QUALIGRIMPE : pourquoi c’est une bonne idée

Un sujet a fait couler beaucoup d’encre sur les réseaux en 2022 : le label QUALIGRIMPE. Qu’est ce que QUALIGRIMPE ? C’est un projet de certification qui atteste qu’un opérateur effectue un travail d’équipement de SNE (Sites Naturels d’Escalade) dans les « règles de l’art ». Ce projet est actuellement porté par des équipeurs français de renom et un syndicat professionnel.

le logo du projet de label QUALIGRIMPE (droits : SIM)

Le projet QUALIGRIMPE a été présenté lors d’une table ronde au salon de l’escalade le 20 novembre 2022. Ce fut l’occasion pour les équipeurs à l’origine du projet et pour d’autres instances représentatives de l’escalade de s’exprimer à ce sujet. Des personnes du public ont pu apporter des éléments, émettre des critiques ou poser des questions. Bilan de cette présentation : le sujet n’est pas simple.

Le contexte du déconventionnement : la FFME de gardien de la chose à prestataire d’entretien

Le moins qu’on puisse dire c’est que l’initiative QUALIGRIMPE est louable : dans le contexte du déconventionnement des falaises tendu par la fermeture brutale de plusieurs sites d’escalade depuis 2021, l’équipement et l’entretien des SNE sont des sujets prioritaires. La décision de la FFME de mettre fin au conventionnement des sites d’escalade actée par son Conseil d’Administration en avril 2020 et entérinée par le vote en AG du 20 juin 2020 de ne pas étendre l’assurance de la FFME pour conserver les anciennes conventions a scellé le sort de centaines de falaises en France. Cette décision fait suite aux multiples rebondissement de l’affaire de Vingrau.

Les conventions d’usage donnaient à la FFME le statut de gardien de nombreux sites d’escalade en France. C’est désormais terminé. Depuis quelques années, la FFME a travaillé sur le volet législatif et a continué à proposer des conventions qui permettent d’accéder librement à un site naturel sur un terrain privé : il s’agit à présent de conférer la responsabilité à une collectivité locale (communes, communautés de communes ou d’agglomération, départements) avec des garanties de l’équipement aux normes fédérales et de réalisation d’un entretien du site d’escalade. Dans ce nouveau modèle, la FFME qui a délégation de service public sur l’escalade, agit actuellement en facilitateur entre les différents acteurs, en formateur de bénévoles qualifiés avec sa formation ouvreur SNE et en opérateur d’entretien qui s’appuie sur des bénévoles licenciés à la FFME, des salariés des associations (FFME, Ligues, CT, clubs) ou sur des entreprises privées.

La FFME est impliquée depuis sa création dans le développement de l’escalade outdoor. Cette volonté politique s’articule autour de trois grands axes pilotés par la Direction Technique Nationale de la FFME et mis en œuvre sur le terrain par des associations locales au niveau départemental, les comités territoriaux :

  • La promotion et le développement de l’escalade en sites naturels
  • L’entretien des sites
  • La formation

Une forte demande de sécurité

L’escalade en falaise comme toute pratique sportive comporte des risques. Heureusement, les accidents graves ou mortels restent contenus comparé à des activités comme la randonnée pédestre, l’alpinisme, la randonnée à ski ou le parapente comme l’indique un rapport de l’ENSA sur l’accidentologie 2009-2020 (page 10). D’après ce rapport, l’accidentologie de l’escalade en falaise est équivalente à celle du VTT si on considère le nombre de personnes décédées : 3 à 4 morts par an en France.

Lors de l’ouverture au public d’un site d’escalade conventionné (ndlr : son « équipement »), il est normal que les signataires de la convention d’usage du site demande des garanties sur la sécurité de l’espace ouvert au public dont ils ont la garde.

Dans ce contexte, la demande en équipement des sites d’escalade augmente pour garantir la sécurité des pratiquants. Il s’agit bien à présent de garantir la sécurité et pas d’absence accident car une activité sportive n’est jamais sans risque. C’est ce point que précise la modification législative de décembre 2021 :

le gardien de l’espace naturel dans lequel s’exerce un sport de nature n’est pas responsable des dommages causés à un pratiquant sur le fondement de l’article 1242 du code civil lorsque ceux-ci résultent de la réalisation d’un risque normal et raisonnablement prévisible, inhérent à la pratique sportive concernée.

Il est important d’avoir en tête que de nombreux sites d’escalade en France ne sont pas conventionnés, sont équipés à demeure et qu’on y pratique l’escalade librement, sans problème ni accidents graves depuis des années. Dans le droit français, un site naturel est normalement ouvert au public en absence d’interdiction d’accès. Comme dans toute pratique sportive non encadrée, le pratiquant est responsable de sa sécurité.

Équipement des sites d’escalade : sous la pression normative et professionnelle

Ce changement de système engendre inévitablement une demande de sécurisation des sites auprès de nombreux acteurs historiques de l’équipement. Les montants financiers dédiés à l’équipement des SNE augmentent naturellement ce qui amènent des entreprises privées à se positionner sur des marchés publics pour l’équipement, le ré-équipement ou l’entretien des sites. Ces entreprises peuvent être des professionnels de l’escalade ou des entreprises de travaux en hauteur. Le recours à des professionnels du BTP est parfois obligatoire dans le cas de sécurisation de site, ce qui n’est pas du ressort du domaine de l’équipement (exemple des travaux de sécurisation du site d’Orpierre) : les purges lourdes, le minage, le cloutage, l’emmaillotage et la pose de filets de protection sortent du champ de ce dernier.

L’escalade en falaise n’échappe pas à la normalisation. La FFME publie un manuel technique sur l’équipement des sites naturels d’escalade qui présente les « règles de l’art » pour l’équipement d’un SNE. Ce manuel technique présente la norme fédérale d’équipement, unique condition pour qu’un site soit normalisé « sportif » dans la classification de la FFME. Il est important de noter que la classification d’un site d’escalade repose sur la qualité de l’équipement et pas sur d’autres facteurs environnementaux.

QUALIGRIMPE : de nombreuses qualités

Le projet de label QUALIGRIMPE vise à certifier qu’un équipeur, une personne physique ou morale est compétente pour l’équipement des falaises en suivant les normes fédérales.

1. Tout le monde est concerné par la démarche : individuel, équipeur bénévole, entreprise, professionnel ou association.

2. Un objectif sous-jacent du label QUALIGRIMPE est de s’assurer que l’équipement des falaises soit réalisé par des grimpeurs garant de l’histoire d’un site et d’un certain esprit de l’escalade en falaise, le risque étant que des opérateurs de BTP sans connaissance de l’activité sportive puissent réaliser l’équipement d’un site d’escalade, un peu à la manière d’une SAE sans cohérence avec les passages, en dénaturant le rocher ou sans respect pour les itinéraires historiques. Ce point est tout à fait louable et doit être défendu.

3. Le label doit être porté par le maximum d’acteurs de l’escalade : fédérations sportives (FFME, FFCAM, FSGT), syndicats professionnels et personnalités de l’équipement. Ces acteurs devraient être regroupés au sein d’un comité de pilotage qui décerne le label.

4. QUALIGRIMPE a la volonté de fédérer, malgré leurs différences, tous les acteurs autour d’une vision commune de l’escalade.

Pour toutes ces raisons QUALIGRIMPE est une bonne idée même si elle part d’une volonté d’un petit nombre d’acteurs. La graine est à présent à faire germer pour voir à quoi la démarche aboutira : à un label ou à autre chose.

Et pourquoi ne pas simplement se regrouper derrière la FFME ?

L’initiative privée derrière QUALIGRIMPE pose la question de la place de la fédération délégataire sur la question des falaises.

Actuellement c’est la FFME qui est la fédération délégataire de l’escalade en France, c’est donc à elle qu’incombe l’organisation de l’activité escalade sur le territoire français. C’est vers elle que se tournent naturellement les autorités ou les collectivités locales pour la gestion d’un site naturel d’escalade.

Sans parler de label, les différents acteurs de l’escalade d’un département peuvent dès à présent agir en partenariat avec les Comités Territoriaux de la FFME. Un problème actuel est que certains départements n’ont pas de Comité Territorial. Dans la Drôme, l’association est défaillante et n’assure plus son rôle. C’est aussi du rôle de la FFME d’accueillir le maximum d’acteurs de l’escalade autour de la table.

Un autre modèle dans le département de l’Ain : l’AGESSEC

Dans le département de l’Ain, une association gère les sites d’escalade, de canyoning et de spéléologie du département (AGESSEC). L’association regroupe les comités départementaux des fédérations (FFS, FFME, FFCAM), les associations et les clubs gestionnaires des sites quelque soit leur affiliation, des professionnels de l’escalade, de la spéléo et du canyoning exerçant sur les sites du département. L’association est aussi l’interlocuteur d’équipeurs indépendants qui œuvrent sur le département. Cette association garantit une certaine collégialité dans la manière d’équiper et d’entretenir les sites d’escalade, ce qui est un peu la raison de vivre du label QUALIGRIMPE. Un exemple à suivre ?

Pour conclure sur QUALIGRIMPE

Dans cette question centrale qu’est l’équipement et l’entretien des sites naturels d’escalade, le maître mot de la réponse semble être à l’heure actuelle le dialogue.

Lire aussi l’historique des publications sur les médias spécialisés en 2022 :

L’article de Montagnes Magazine sur QUALIGRIMPE
L’article d’Alpine Mag sur QUALIGRIMPE (payant)
La tribune dans Grimper d’un collectif d’ouvreurs
La réponse de QUALIGRIMPE sur Montagnes Magazine à la tribune du collectif d’ouvreurs

Guide de haute montagne dans le massif du Mont-Blanc, moniteur d'escalade et guide de canyoning dans le massif du Jura