Escalade en falaise : peut-on se passer de la FFME ?
Le nouveau conseil administration (CA) de la FFME vient d’être élu le 3 avril 2021. Si les personnes composant le CA changent par rapport à l’olympiade précédente et si Pierre You a délaissé sa place de président au profit de l’IFSC, le bureau change peu : Alain Carrière et Luc Chabrol sont respectivement président et trésorier et sont rejoint par Sandra Berger secrétaire générale. Le sujet de l’escalade en falaise qui rejoint la pratique loisir de l’escalade a fait partie des débats de l’élection du 3 avril 2021, sujet qui reste chaud depuis l’annonce du déconventionnement des falaises par la FFME en avril 2020.


La politique de la précédente olympiade présidée par Pierre You était tournée vers la compétition et le haut-niveau avec en ligne de mire l’entrée de l’escalade aux JO de Tokyo en 2020 : cet objectif est atteint. En 2021, deux listes s’étaient présentées à la présidence de la FFME : une liste de « continuité » menée par Alain Carrière et la liste « dissidente » menée par Claude Chemelle, ancien président de la Ligue FFME Auvergne Rhône Alpes. La seconde liste nommée « Cap 24 FFME » avait présenté un programme autour de 4 équilibres dont ceux loisir/compétition et SAE/pleine nature. Après cette élection, il est légitime de se poser la question : la FFME est-elle un acteur incontournable de la gestion des SNE en France ?
La FFME est d’abord la fédération de la compétition et de la résine
Qu’est ce que la FFME ? La fédération de la montagne et de l’escalade (FFME), fondée en 1945, est historiquement chargée d’assurer la promotion et le développement en France de l’escalade, du canyonisme, de la raquette à neige, du ski-alpinisme, de l’alpinisme et de la randonnée montagne, et a reçu à ce titre une délégation du ministère des Sports pour les 4 premières activités.
La fédération sportive est composée de plus d’une centaine d’associations loi 1901 à plusieurs échelles territoriales : une fédération nationale (la FFME), 16 ligues régionales et 85 comités territoriaux départementaux. Chaque association est dirigée par un bureau et un conseil d’administration formés de bénévoles et peut employer des personnels salariés pour mener les missions des associations. Il faut l’avouer : le fonctionnement de la FFME peut paraître complexe et parfois opaque pour des non-initiés d’autant que le fonctionnement global et l’articulation de la FFME avec les ligues et les comités territoriaux ne sont pas décrits sur le site internet de la fédération nationale. Comme chaque fédération sportive, la FFME a des licenciés qui adhèrent à des clubs qui sont également des associations loi 1901. Récemment certaines salles d’escalade privées peuvent également proposer à leurs clients de se licencier à la FFME : c’est le cas du réseau de salles Block’Out.
Le Ministère des Sports donne délégation à la FFME pour l’organisation de l’activité sportive escalade. Les rôles et les missions d’une fédération délégataire sont définis par le Code du Sport : la FFME est tenue d’organiser les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. Il n’est pas évoqué dans la délégation d’organiser l’activité en loisir ou en falaise puisqu’à l’heure actuelle aucune compétition officielle ne se déroule en falaise. Autant l’écrire clairement, la FFME est la fédération de la compèt en escalade.


Pour participer aux compétitions officielles en escalade, un pratiquant n’aura pas d’autre choix de se licencier à la FFME. Cela peut expliquer en partie que l’augmentation du nombre de compétitions ces dernières années a conduit à une augmentation du nombre de licenciés de la FFME (+70 % de licenciés en 15 ans en région AURA). Les adhérents des clubs affiliés à la FFME peuvent participer à de nombreux événements et des compétitions, ce qui a contribué à dynamiser l’activité en attirant de nombreux jeunes adhérents et leurs parents vers les clubs FFME. Cette importante activité s’appuie en grande partie sur des bénévoles au sein des clubs qui sont le réel moteur de la fédération sportive. La FFME est une fédération jeune, sur les chiffres 2019, plus de 50 % des adhérents ont moins de 18 ans.
Une récente étude de 2020 auprès des licenciés a montré que 85 % d’entre eux pratiquent l’escalade sur résine comme activité principale dans leur club de 1 à 2 fois par semaine et 50 % l’escalade en falaise comme seconde activité, principalement en pratique hors du club et de manière moins fréquente. La FFME est la fédération de la résine, c’est assez simple à voir sur les chiffres.
Et l’escalade loisir en falaise dans tout ça ?
Une fédération sportive repose sur ses licenciés qui sont eux-mêmes adhérents dans des clubs affiliés à la fédération. Contrairement à d’autres sports, les adhérents des clubs d’escalade ne font pas tous de la compétition mais paient leur licence au même prix que les compétiteurs, il est donc normal de faire la promotion et de développer la pratique en loisir au même titre que la pratique en compétition. Conformément à sa mission de promotion de l’escalade, la FFME organise au niveau national et territorial la pratique de l’escalade loisir en SAE et en falaise. Le fait-elle bien ? On pourrait dire que ça dépend des territoires puisque les 16 ligues FFME à l’échelle des régions et les 85 Comités Territoriaux (CT) à l’échelle des départements sont plus ou moins investis de certaines missions « falaise » en plus de celles de l’organisation des compétitions, de l’assistance aux clubs et de la formation des cadres FFME. Récemment la FFME a lancé le fond RockClimber qui a pour ambition « d’unir le million de grimpeurs en falaise, le réseau fédéral et les acteurs privés afin d’agir ensemble pour préserver les sites naturels d’escalade, patrimoine français d’exception, et promouvoir l’escalade en extérieur ». L’idée est séduisante et souhaitons que ce concept prenne forme dans les années à venir.


La FFME n’a pas le monopole de l’escalade en falaise
La FFME n’est pas « LA » fédération de l’escalade, car existe de nombreuses fédérations sportives dont les adhérents pratiquent l’escalade. La FFCAM (le « CAF » ou « club alpin français ») est une autre fédération historique de l’escalade et de la montagne qui regroupe tous les clubs alpins français. Des associations qui sont adhérentes à des fédérations sportives multi-sport peuvent également proposer la pratique de l’escalade à leurs adhérents. L’encadrement dans les clubs est assuré soit par des bénévoles titulaires de diplômes fédéraux, soit par des professionnels de l’escalade. En terme d’encadrement, la FFME comme la FFCAM forment des cadres bénévoles en proposant de nombreuses formations dont la plus connue est l’initiateur escalade qui permet d’initier et d’encadrer bénévolement l’escalade sur SAE.
En réalité, un club s’affilie (adhère) souvent à la FFME ou à la FFCAM pour pouvoir s’assurer lui et ses adhérents. Des fédérations multi-sport comme l’UFOLEP et la FSGT proposent également des licences « loisir » pour l’escalade. Pourquoi est-ce à présent si facile de s’assurer pour l’escalade sportive ? Simplement parce que la FFME a fait de l’escalade un sport « sans risques » grâce à un système de normes qui encadre l’activité en SAE et en falaise.
Au niveau professionnel, la disparition de la notion d’environnement spécifique dans certaines conditions (falaises d’une longueur et classifiées « sportive » ou « découverte » dans la nomenclature FFME) a permis à la FFME d’organiser des formations d’éducateurs sportifs professionnels depuis une dizaine d’année pour répondre au manque d’encadrement professionnel dans certaines régions. Le DEJEPS Escalade a été créé par la FFME en 2011. La FFME est alors devenu un acteur de la formation professionnelle en escalade, en plus des CREPS qui assurent la formation du DEJEPS Escalade en milieux naturels qui reprend les contenus de l’ancien diplôme d’État du BEES1 Escalade, sans le canyoning. La disparition de l’environnement spécifique est importante car la FFME assume par ce choix que l’escalade en falaise ne comporte pas de risques liés au milieu naturel, or on a vu que l’histoire a donné tord à la FFME mais c’est une autre… histoire.
Peut-on se passer de la FFME pour la gestion des SNE ?
En préambule à la réponse à cette question, il faut préciser que l’escalade en falaise n’est pas toujours organisée. Il est courant qu’une falaise équipée pour l’escalade sportive ai un « gestionnaire » qui est garant de l’accès au site, de l’entretien de l’équipement et de la publication d’un topo. Sans gestionnaire, la pratique de l’escalade n’est pas organisée, comme dans le cas des sites communément appelés secret spots. En terme de responsabilité, ce détail est important car en cas d’accident l’assurance d’une victime peut se retourner contre le gestionnaire du site d’escalade s’il est clairement identifié.
Pour la gestion des sites naturels d’escalade (SNE), la réponse est : possiblement.
Dans les départements français pourvus de falaises conventionnées avec la FFME, les comités territoriaux (CT) de la FFME sont des acteurs historiques dans la gestion des sites naturels : ils sont de fait gestionnaires de falaises, sont l’interface entre les propriétaires des sites et les grimpeurs, entretiennent des relations avec les autres acteurs, collectent des aides publiques, réalisent l’équipement et le rééquipement. Certains CT sont très moteurs dans l’escalade en falaise sur leur département : l’Hérault, la Loire, la Drôme et dans une moindre mesure l’Isère, les Bouches du Rhône et le Vaucluse pour ne citer qu’eux. Mais est-ce vraiment leur mission ? Pas vraiment car maintenant que les conventions FFME ont été dénoncées, ils pourraient déléguer cette mission a des associations locales regroupant d’autres fédérations sportives, des pratiquants, des clubs sportifs affiliés ou non à la FFME ou des groupements de professionnels. C’est également le rôle de certaines commissions comme les CDESI même si elles ne traitent pas de tous les sites naturels d’un département.
En effet, une association ou un groupement de personnes peut organiser l’escalade sur un ou plusieurs sites naturels, toucher des subventions des collectivités locales, signer des conventions d’accès avec des propriétaires ou les collectivités locales pour garantir l’accès au site d’escalade et son entretien. Les comités territoriaux FFME peuvent alors intervenir en « prestation de service » pour l’aménagement et l’entretien. Au niveau national ou régional, de nombreuses associations assurent la gestion de sites naturels : on peut citer le Cosiroc à Fontainebleau, VTNO sur les falaises de Presles et du Vercors et des préalpes ou la jeune association Greenspits sur certains sites du sud de la France. Certains clubs d’équipeurs bénévoles existent dans notre région comme Hot Roc sur les falaises de l’Ain ou l’ECI en Isère. Ces clubs proposent une adhésion simple ou de se licencier à la FFME pour obtenir une assurance qui couvre l’escalade et l’équipement bénévole.


Un site naturel peut également être géré par un ou plusieurs pratiquants sans gestionnaire désigné mais ce fonctionnement n’est pas pérenne.
Le rôle de la FFME sur le volet législatif
Si les comités territoriaux FFME sont des acteurs parmi d’autres dans la gestion des SNE au niveau local, la fédération nationale a un important rôle à jouer sur le volet législatif dans le cadre de sa délégation : la fédération doit tout faire pour que la législation n’entrave pas une pratique sportive d’utilité publique qui plus est avec des retombées économiques pour les territoires, l’escalade est une activité touristique comme une autre. En même temps qu’elle dénonçait les conventions en 2020, la FFME a tenté d’introduire dans la loi une modification de la responsabilité sans faute des propriétaires des sites naturels pour la pratique sportive, action qui a finalement échouée fin 2020. Cette démarche est tout à son honneur et la FFME peut être félicitée pour son action.
Pour jouer un rôle au niveau national, la FFME doit obtenir une vraie visibilité en nombre de licenciés. Aujourd’hui, la FFME représente un peu plus de 100000 licenciés alors que le nombre de personnes qui pratiquent l’escalade explose… avec des chiffres affichés parfois de plusieurs millions de pratiquants chaque année. A titre d’exemple, la fédération française de football représente 2,2 millions de licenciés. L’olympisme suffira-t-il a assurer cette visibilité nécessaire à la promotion de l’escalade ?
Instaurer une licence escalade loisir à coût réduit pourrait permettre à un grand nombre de pratiquants en loisir d’avoir une assurance couvrant l’escalade et d’adhérer à la FFME pour garantir le libre accès aux sites naturels. Actuellement le prix de base d’une licence qui revient à la fédération nationale de la FFME est relativement élevé : 42 € et avec l’assurance : 53 €. Sans faire de publicité, le vieux campeur vend des cartes assurance multisport à 25 € par an et concurrence sur ce secteur assurantiel les clubs affiliés aux fédérations sportives.
L’avenir nous dira si le nouveau conseil d’administration de la FFME poursuivra ses actions pour l’accès libre aux falaises, si le fond RockClimber rencontrera un vif succès auprès des grimpeurs en falaise et si les comités territoriaux FFME resteront localement des acteurs dans la gestion des SNE. Dans l’immédiat, on espère que les collectivités locales sauront se saisir du dossier et que les pratiquants non licenciés s’investiront d’avantage dans la gestion des falaises en menant des actions individuelles, si possible concertées, ou en adhérant à une association ou à un club affiliés à la FFME ou non.
En complément, voici une liste d’associations et de clubs impliqués dans l’entretien des falaises :
- Rhône (69) et Ain (01) : club Hot Roc (possibilité de se licencier à la FFME)
- Isère (38) : Escalade Club de l’Isère (ECI 38), association VTNO Escalade Presles
- Haute-Savoie (74) : association EKIPROC en vallée de l’Arve et sur les secteurs Giffre, Risse, Foron, Bornes et Aravis
- Ile de France : CoSiRoc
- Sud de la France : Greenspits
- complétez cette liste en m’indiquant le nom de votre club ou de votre association en commentaire
Lire mes autres articles sur la gestion des sites naturels d’escalade en France :
- Accident de Vingrau : la FFME déclarée responsable… et après ?
- La FFME met fin au conventionnement des falaises
- Pourquoi il faut changer le système de convention des falaises de la FFME
- Acheter un topo d’escalade : mais pourquoi faire ?


Merci pour cet article et pour le boulot à la roche de Narse. Un chouette site, félicitations.
Très bon article !
En Isère, l’ECI : Escalade Club de l’Isère (et non « équipeurs », comme Hot Roc, donne la possibilité ou non de se licencier à la FFME.
Mais c’est bien un club d’équipeurs, ou de soutien à l’équipement.