Escalade en Grandes Voies à Presles : pilier des Nugues et Désirée
Mai 2018 : les semaines se suivent mais ne se ressemblent pas. Après une fin avril avec une excellente météo et de la chaleur, cette première semaine de mai est plutôt sous le signe de la pluie dans le sud de la France, l’endroit précis où se trouve la majorité des grandes voies. Le thème du stage était « grandes voies dans le Verdon » et pas « bloc à Fontainebleau ». Le stage était donc tombé à l’eau. Avec un peu d’imagination et de confiance dans la météo (folie ?), je suis pourtant parti à Presles 2 jours avec mon petit groupe constitué d’Anouk et Pierre pour voir à quoi ressemblait le Vercors dans la grisaille. Solitude et ambiance montagne assurées dans les voies !
Le pilier des Nugues : pas la plus belle mais une bonne introduction à Presles
Arrivés sur le plateau des Coulmes dans le brouillard, le programme du premier jour s’annonce sympa. On choisit de se diriger vers un vieux projet de voie pour moi avec une approche rapide et une retraite aisée en cas de pluie : le pilier des Nugues.
Cette voie ouverte en 1974 par la cordée Bernard Amy et Michel Pichot n’a pas beaucoup vieilli : pas trop patinée et relativement bien équipée, elle permet de faire sa première mini grande voie de 100 mètres pour 4 longueurs dans le style de Presles avant de se frotter aux itinéraires avec plus d’ampleur. Comme toujours à Presles, c’est dur à la chauffe et le passage en 6b de la seconde longueur est difficile à froid, c’est d’autant plus vrai dans le brouillard avec un 7 degrés ressenti, mais heureusement l’équipement a été prévu pour passer en tire-clous (A0). Après ce départ un peu déconcertant, les 2 (ou 3) longueurs qui suivent sont très jolies et grimpent bien dans le 5sup. L’équipement est assez abondant sans être omniprésent : une caractéristique générale de Presles est qu’il faut grimper entre les points.
Les 2 dernières longueurs se tirent en une seule grande longueur de 40 mètres assez soutenue dans le 5+ (ou 6a « moderne ») mais jamais trop difficile, à notre avis la plus belle de la voie. On sort sur le plateau et hop en 10 minutes à la voiture.
Ce jour-là, c’est Anouk qui se charge de négocier les difficultés bien couverte de sa meilleure alliée : la doudoune qui ne va pas la quitter pendant 2 jours.
Désirée : une belle voie moderne de 9 longueurs « clés en main »
Le lendemain, sur les conseils de Bernard Gravier qui m’avait assez bien « vendu » la voie, nous partons pour le secteur du Fond du Cirque pour la voie « Désirée » ouverte en 2016. Les éclaircies annoncées ne sont toujours pas là et l’épais brouillard enveloppe les falaises. Le nouveau chemin d’accès des rappels de Torquémada est très sympa et permet de bien élever la température corporelle. C’est les pieds mouillés qu’on arrive aux rappels, un des moments phares de la journée. Les rappels de Torquémada ne sont plus à présenter : 4 rappels plein gaz en plein brouillard pour rajouter une couche d’ambiance et on touche le pied de la falaise.
Ce matin c’est Pierre à l’attaque des 2 premières longueurs de Désirée. Après avoir révisé la manip du relais toute la nuit précédente, il est prêt à enchainer les longueurs de bon matin. C’est parti dans la première longueur commune avec Torquémada. Quand on s’attend à du 5, on tombe sur un bon 6a technique en passant dans la dalle de gauche… En doudounes et avec des orteils refroidis autant dire que ça joue d’entrée ! Bienvenue à Presles et ses cotations « à froid » où il ne faut pas se démonter. Heureusement c’est très bien équipé dans la dalle, il faut juste prévoir des dégaines.. ou déclipper au fur et à mesure.
Arrivés au premier relais, on bifurque à l’horizontale à droite pour visiter le beau surplomb marbré qui nous faisait de l’œil du bas. Le cheminement est intelligent. Pas de vue sur le Vercors aujourd’hui mais sur le brouillard. La longueur qui suit est vraiment majeure dans du gris à grosses prises avec un petit crux en dalle en traversée à la sortie.
Une longueur en cheminée très classe qui commence en traversée mène à la terrasse intermédiaire sous la grande baume en milieu de paroi. En prime, la vue sur le Vercors apparait dans cette longueur. Ouf ! J’ai apprécié les petits panneaux en bois dans cette longueur pour indiquer les voies « Absolue » et « Désirée ». Le grimpeur moderne est un assisté !
L’arrivée dans la baume à mi-hauteur de la voie est juste démente. Nous sommes sous un plafond de fou rayé par une fissure horizontale, la future « Monster Crack » du Vercors. Des colonnettes descendent des dévers sur la droite et appellent les grimpeurs comme les sirènes les marins. Après des dizaines de voies à Presles, je me dis que je découvre encore un endroit unique et je me sens un peu jaloux de ne pas avoir découvert cet endroit en premier !
Après une pause pique-nique bien a l’abri dans la baume, Anouk reprend la tête et enchaine les 2 longueurs suivantes : un grand 5 en traversée et le petit ressaut coté 6a/b.
S’en suit la longueur majeure de la voie. Pas de photo, je vous laisse la découvrir vous-même un jour peut-être… un indice : c’est plein de colos. Notre leader toujours en doudoune se jette dedans le dos en premier et la doudoune ne semble pas trop apprécier les morsures de la calcite ! C’est coté 6b sur le topo (enfin une cotation moderne) et l’équipement généreux : le plaisir assuré.
Les 2 dernières longueurs sont moins soutenues mais ne sont pas dénuées d’intérêt. On remarque le gros travail de nettoyage réalisé à l’ouverture de ces longueurs : chapeau bas aux équipeurs/nettoyeurs ! Quand on sait ce que c’est que nettoyer des vires pendu dans un baudrier, on apprécie le travail.
Au sommet de la voie, le soleil est revenu… 2 base jumpers en wingsuit s’élancent du haut de la paroi rouge en face. Joli spectacle.
Fin du stage et tout le monde il est content. Une falaise déserte pendant 2 jours, 2 nouvelles voies au compteur à Presles pour moi et des stagiaires qui ont enchainé des longueurs magnifiques jusqu’à 6b en grande voie : une belle perf’ pour la falaise ! Une dernière bière avant de rentrer à Lyon chez Ezio à l’auberge de Presles qui est à vendre. Les gens changent mais les falaises restent.
Eric
Le topo de Désirée sur le site de Bernard Gravier : http://www.entrecieletpierres.com
Découvrez mes stages escalade toute l’année en falaises, grandes voies et trad sur mon site : Équilibre Vertical