Grande voie aux Gillardes : les premiers pas d’Elsa
Les premiers pas d’Elsa est une grande voie de 400 mètres ouverte en 1999 par Catherine Boroc et Bruno Martel sur la petite roche aux Gillardes aux portes du massif du Dévoluy entre les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes. Cette voie offre une escalade verticale voire déversante assez soutenue dans le 6b avec quelques longueurs un peu plus soutenues et reste dans cette paroi un must do avec sa diabolique voisine « sous la griffe de Lucifer ». Nous avons parcouru cette voie le 27 juin 2018 avec Jérôme.
Cela faisait plusieurs années que nous avions ce projet d’ascension avec Jérôme. Comment présenter Jérôme Favre ? Grimpeur lyonnais infatigable, il écume les falaises depuis quelques années déjà. Quand on lui demande quand il a commencé à grimper, il répond « au vingtième siècle » et à la question « tu ne prends pas de casque en grandes voies ? », Jérôme me répond « non ». Même avec quelques années au compteur, Jérôme enchaîne aussi bien les 8a en falaise en quelques essais que les voies en résine rouge du « kit grimpe » du Mur de Lyon (ndlr : Climb Up Lyon). Comme les grimpeurs de son âge, sa préhension préférée est naturellement la réglette et sa filière préférée la rési longue. Jérôme connait bien les Gillardes puisqu’avec un autre grimpeur lyonnais fort, Christophe Poli, la cordée parcourait 3 voies de 400 m dans la journée en 1995 ! Ça en dit long sur le personnage et son excellente capacité à évoluer sur de hautes parois raides comme les Gillardes.
Le mois de juin 2018 a été chaud et sec, des conditions idéales pour les Gillardes. La falaise tient son nom de la résurgence située en bas des falaises qui se jette dans la Souloise. Le petit parking au bord de la Souloise dans le défilé du même nom entre Isère et Hautes-Alpes est le camp de base idéal pour grimper sur les parois qui surplombent la vallée. Je n’étais pas venu depuis 10 ans aux Gillardes mais la veillée à ce petit parking a toujours quelque chose de magique, sans doute la présence de l’imposante falaise qui masque les étoiles y est pour quelques chose.
C’est avec émotion que nous avons parcouru ce chef d’œuvre de Bruno Martel disparu trop tôt en 2015 lors d’une maintenance de la via ferrata de Crolles en Isère. Les Gillardes comptent aujourd’hui une douzaine de voies dont la majorité ouvertes par des cordées composées de Bruno Béatrix ou Bruno Martel. C’est en parcourant ces voies raides qu’on comprend la passion qui animait les ouvreurs pour s’attaquer à l’équipement de cette paroi de plus de 400 mètres. Car question d’équipement, la qualité est juste impeccable ! 26 ans après son ouverture, la maintenance de l’équipement de la griffe de Lucifer a été réalisée récemment en 2013 (lire l’article sur promogrimpe). On ne remerciera jamais assez la cordée Béatrix/Martel pour leur travail. Après les premiers pas d’Elsa, l’autre chef d’œuvre de Bruno Martel et de Catherine Boroc est Cosa Nostra à Glandasse. Une référence.
Une grande voie aux Gillardes c’est toujours un voyage. Contrairement à des falaises comme Presles d’une hauteur moyenne de 200 mètres, les roches des Gillardes font plutôt 400 mètres. Il faudra donc compter quelques heures de plus pour venir à bout des voies. Pour Elsa, il nous a fallu un peu moins de 8 heures pour venir à bout des 13 longueurs bien raides. En attaquant la voie à 7 heures du matin, nous sommes sortis tout juste après l’arrivée du soleil sur la paroi vers 15 heures.
Dans le style de grimpe, pas de doute : c’est raide. Le rocher des Gillardes est truffé de prises ce qui confère à l’escalade une raideur assez caractéristique. Jamais très difficile, l’escalade est très continue et il faudra bien s’économiser dans les longueurs du bas pour espérer enchaîner celles du haut. La première partie de la voie nous a parue plus facile que la partie du haut, ce que ne reflètent pas les différents topos de la voie. Côté équipement c’est assez abondant sans être excessif et d’excellente qualité. A un endroit en L7, j’ai placé un C4 #.4 pour protéger la sortie en fissure au-dessus d’une vire.
Je le fais rarement mais je me permets de proposer un topo de la voie. Le topo de « parois de légende » d’Arnaud et Stéphanie nous a paru le moins faux de tous. Le topo de C2C est très approximatif avec des cotations fantaisistes.
L1 : 6b (commune avec Lucifer)
L2 : 6b+ (raide et technique sur la fin)
L3 : 6b (dévers au départ)
L4 : 6b (technique au départ, fin plus facile et engagée)
L5 : 6c (le dièdre technique)
L6 : 6c+ (dur au départ puis dalle raide)
L7 : 6b+ (dévers avec un pas plus marqué en traversée à gauche)
L8 : 7a+ (grande longueur conti avec de la lecture, rési en sortie de surplomb sur réglettes, sortie en fissure à protéger sur friend C4 #.4)
L9 : 6c (conti sur bonnes réglettes dans un mur rouge qui pique les doigts)
L10 : 7a (physique en dièdre au départ puis technique en traversée MAJEURE magnifique vue et grande ambiance au relais)
L11 : 7a (explosif sur 3 mètres faire relais sur la vire à l’arbre)
L12 : 4 jusqu’à la vire au-dessus de l’arbre puis 6c+ (bien rési sur galets, relais sur 1 piton et 1 spit)
L13 : 6c (2 sections raides avec 1 pas expo dans la première)
L14 : 2 mètres de 5 puis ressaut en 4
Ce n’est pas une surprise, Jérôme a enchaîné toutes les longueurs ! Bravo l’ancien 😉