Avalanches : quelques méthodes d’analyse du risque
Le risque d’avalanche est le principal danger pour des skieurs qui pratiquent le ski de randonnée ou le ski hors-piste en présence de neige en montagne. Lors d’une chute de neige et sous l’effet de la météo locale et du terrain, le manteau neigeux se transforme et en son sein des couches fragiles et des plaques friables peuvent se former où on ne les attend pas toujours. Lorsque le risque d’avalanche est présent, il faut regarder avec attention où on met les skis, même si le bonheur de skier une pente vierge en poudreuse froide peut parfois détourner notre attention.
Un facteur aggravant dans certaines zones peut être la fermeture des domaines skiables et la baisse de la fréquentation de certains secteurs : certaines pentes réputées « sûres » en temps normal ne le sont peut-être pas car elles sont moins skiées ou ne font pas l’objet de purge par la sécurité des pistes lors d’un PIDA.
Pour skier en sécurité en toutes saisons, il peut être utile de se replonger dans les méthodes d’analyse et de réduction du risque d’avalanche. Voici un petit rappel de quelques-unes d’entre elles. Avertissement : cet article ne présente pas les méthodes en détail mais seulement les grands concepts, il n’a comme seul objectif de vous informer et pas de vous former 🙂
Une approche simple pour prendre conscience du risque d’avalanche
Le site data-avalanche.org fournit une méthode qui permet de prendre conscience du danger d’avalanche. Cette méthode est basée sur 4 modes de vigilance qui dépendent de 6 paramètres facilement observables.
Dans cette approche, les avalanches récentes peuvent être consultées sur le site : http://www.data-avalanche.org/now.
En fonction du mode de vigilance, on modifiera son comportement : renoncement ou atténuation du risque si c’est encore possible.
La méthode Munter (méthode 3×3)
Le guide et chercheur suisse Werner Munter a consacré une bonne partie de sa vie à étudier les avalanches en recherchant le meilleur moyen de limiter le nombre d’accidents. Ses recherches et la méthode qu’il propose sont exposées dans un ouvrage dont l’édition française a été publiée en 2006. La méthode Munter, appelée aussi méthode 3×3, est un outil très concret d’aide à la décision pour toute personne s’aventurant sur un terrain enneigé (ski de rando, raquette, hors-piste).
Le principe de la méthode 3×3 est de questionner le skieur sur son choix de course et le pousser à s’interroger en permanence sur le niveau de risque en remettant en cause ses premières impressions dès qu’il obtient des informations nouvelles. Cette méthode s’appuie sur un tableau à 3 lignes et 3 colonnes.
À chaque niveau géographique (planification de la course, sur le terrain, face à un passage ou un obstacle), le skieur doit se demander si les 3 critères (les conditions météo et nivologiques, la nature du terrain et le niveau du groupe) permettent d’envisager la course. Si la réponse est NON, on s’adaptera en fonction de l’avancement de la course en choisissant une autre course, un autre itinéraire ou on renoncera simplement. Si la réponse est OUI, il faudra éventuellement utiliser une méthode de réduction du risque.
Avec cette analyse lourde et complexe, Munter propose une méthode « simplifée » de réduction du risque basée sur 5 paramètres facilement mesurables sur le terrain :
- le bulletin de risque avalanche (BRA)
- l’inclinaison des pentes
- l’orientation des pentes
- les pentes sont-elles parcourues ou non ?
- les comportements du groupe
Consulter la méthode complète de Munter parue dans l’article de Montagnes Magazine N° 311 de Novembre 2006
La méthode des 3 filtres décisionnels
Les guides de haute montagne français utilisent depuis 2006 une grille d’analyse adaptée de la méthode 3×3 basée sur 3 filtres décisionnels prenant en compte le facteur humain comme premier critère. C’est notamment cette analyse qui est enseignée aux guides français par l’ENSA à Chamonix.
Dans la pratique du ski hors-piste et de randonnée : l’analyse de 5 paramètres
Voici 5 paramètres issus de la méthode d’atténuation des risques de Munter que chaque skieur en hors-piste doit avoir à minima en tête avant et pendant une sortie en montagne enneigée.
1. le bulletin d’estimation du risque d’avalanche (BERA)
Le BERA est le point d’entrée de l’analyse. On retrouve un historique des bulletins pour la France sur le site de Météo France. Des bulletins sont également disponible en Suisse et dans les différentes régions italiennes : Vallée d’Aoste, Piémont, Ligurie, etc. Le BRA est donné par massif.
Le BRA indique le risque d’avalanche sur une échelle de 1 à 4. Le risque 5 n’intéresse pas le skieur puisqu’il est utilisé dans des situations qui menacent les infrastructures de transport et les bâtiments (pas de ski par risque 5 !). Le risque 0 non plus : il n’y a pas de neige. L’échelle du risque de 1 à 4 est homogénéisée à l’échelle de l’Europe et de la Suisse.
Il donne une information sur les départs spontanés et les déclenchements skieurs ainsi que des informations sur les pentes les plus à risques et une analyse de la situation. Il est complété par des données météo et nivologiques passées et futures et donne une tendance d’évolution du risque pour les 2 prochains jours.
En absence de BRA, en début de saison notamment, une prise de renseignements auprès d’experts locaux, professionnels, guides, pisteurs-secourtistes permet de quantifier le risque.
Pour aller plus loin…. le BRA peut être complété et affirmé par des éléments plus locaux comme les conditions actuelles disponibles sur le site data-avalanche.org ou des retours de terrain d’autres guides. Localement, les stations de skis peuvent afficher un risque différent de celui du BRA grâce à l’expertise des services des pistes et des retours du plan d’intervention de déclenchements des avalanches (PIDA). Il est possible de valider son choix d’itinéraire auprès de professionnels en cas de doute.
2. l’inclinaison de la pente
L’analyse des pentes est un facteur de première priorité pour le skieur qui s’aventure en hors-piste. Si on évoque l’inclinaison de 30° en-dessous de laquelle il n’y a « pas de risques », il faudra rester prudent :
- Ne pas croire qu’il n’y a aucun risque en dessous de 30°
- Toujours prendre en considération les pentes situées en amont en cas de déclenchement à distance, de présence d’autres skieurs ou de départ spontané
L’inclinaison des pentes peut-être facilement obtenue sur le geoportail d’IGN ou l’application Iphigénie. On peut y ajouter la trace GPS de la sortie envisagée comme sur l’exemple ci-dessous. Sur le terrain, une mesure locale de l’inclinaison de la pente peut-être réalisée au bâton (le triangle équilatéral indique l’inclinaison 30°) ou avec un inclinomètre : certains smartphones offrent cette fonctionnalité.
Sur les cartes topographiques françaises et suisses, la légende de l’angle d’inclinaison des pentes est la suivante :
Exemple pratique : la carte IGN suivante donne l’inclinaison des pentes de la randonnée classique de l’Aiguillette des Houches depuis le Bettey avec la trace de montée et de descente en gris empruntée le 26 janvier 2021.
3. l’orientation de la pente
60% des accidents en avalanche se produisent en versant nord où le manteau neigeux présente plus fréquemment des couches fragiles constituées de grains anguleux du à des gradients de température importants dans le manteau neigeux.
Cependant cette information n’est pas valable dans tous les cas. Il ne faudra pas négliger l’orientation des pentes situées en amont et se référer à l’orientation des pentes présentant le plus de risque sur le BRA. Les orientations de pente sont souvent liées à la direction du vent pendant et après une chute de neige qui a pu déposer de la neige dans les zones abritées du vent. La liste des pentes signalées dans le bulletin n’est pas forcément exhaustive et elle peut en outre varier au fil de la journée.
4. l’état des pentes parcourues
On peut distinguer les pentes où la neige évolue naturellement et les pentes qui sont tracées après chaque chute. Une pente a également pu voir une coulée dans les jours précédents ou être « purgée », à l’entrée d’un couloir par exemple.
Ce critère est difficile à apprécier puisque que quelques traces ne suffisent pas à stabiliser la pente et nécessite une bonne connaissance de l’historique des parcours d’un itinéraire pour être fiable. Seuls des itinéraires régulièrement skiés à chaque chute de neige tout l’hiver pourront voir ce critère s’appliquer (exemple : la Vallée Blanche à Chamonix).
5. le comportement du groupe
Les règles de conduite de groupe devraient être appliquées systématiquement à la montée et à la descente :
- Respect de distances de sécurité à la montée
- Descente un par un sur des pentes présentant un risque
- Recherche de points de regroupement sécurisés
- Tout autre comportement permettant de limiter l’exposition d’un ou des membres du groupe
Se former et le plus important : savoir renoncer
Concernant la neige et les avalanches, le site de l’ANENA est incontournable : http://www.anena.org, c’est une base documentaire complète qui fournit de nombreuses statistiques sur les avalanches. Des formations dispensées par l’ANENA ou des guides de haute montagne permettent d’acquérir des savoirs de base sur la neige et les avalanches. Bien maîtriser les notions de base sur la neige permet de faire sa propre analyse sur le terrain et de décider en connaissance de cause au cours d’une sortie à ski hors-piste, à ski de randonnée ou en raquettes. Si vous n’êtes pas autonome, prenez un accompagnant professionnel.
Lien vers mon stage sur la Sécurité Neige et Avalanche
En cas de doute, il ne faut pas hésiter à renoncer. Un accident en avalanche peut avoir des conséquences dramatiques même si on est équipé de DVA, pelle, sonde et d’un sac airbag et qu’on est bien formé à la recherche en avalanche : mieux vaut prévenir que guérir, la prudence doit parfois prendre le dessus sur le plaisir.
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