J’ai fait la croix : histoire d’une voie de l’ouverture à l’enchaînement
12 novembre 2020. C’est fait, je viens d’enchaîner MA voie. Rien à voir avec la dernière performance exceptionnelle de Julia Chanourdie qui a enchainé un 9b le 7 novembre 2020 puisqu’il s’agit pour moi d’un modeste 7c. Plus qu’une lettre et un chiffre sur un topo-guide d’escalade, cette voie est particulière car elle est née il y a 2 ans, je l’ai lentement découverte, parcourue du haut en rappel sur une corde statique, apprivoisée en l’équipant de points métalliques (oups désolé) en fixant des points de renvoi avec des fractios puis je l’ai redécouverte sous un autre angle : celui de la montée. J’ai renforcée une prise, modifié l’équipement puis j’ai fini par l’enchainer. Moments parfois partagés avec des amis. De haut en bas puis l’inverse, récit du cheminement d’une voie d’escalade de l’ouverture à l’enchainement (avec ses parenthèses, car il faudra parfois mettre entre parenthèses son envie de grimper pour trouver et ouvrir sa voie).
L’ouverture : au sommet de l’art en escalade
A mon sens, l’ouverture ou l’équipement d’une nouvelle voie d’escalade et son enchaînement font partie des processus mentaux et physiques les plus riches en escalade sportive. Ils dépassent de loin en plaisir les simples parcours et répétitions d’itinéraires déjà existants. Un plaisir certainement très lié à la complexité et aux défis qu’offre la démarche d’ouverture. L’ouverture comporte différentes phases : la découverte d’une falaise et d’une ligne, la prise de renseignement (biblio, photo), l’imagination d’un itinéraire suivant cette ligne, son repérage, son mode de parcours (du bas en libre ou en artif, du haut en rappel), son équipement (amovible, fixe, goujons, broches, etc.), son nettoyage (purge, brossage), les premiers essais d’enchainement, l’adaptation et l’optimisation de l’équipement, de l’itinéraire, des prises (à éviter si possible !) pour rendre l’ensemble « attractif » et « motivant », l’enchaînement final clôture enfin la démarche. Les 2 mots « attractif » et « motivant » ont du sens en ouverture car le premier indique qu’on n’ouvre pas que pour soi et le second signifie qu’on va prendre du plaisir à grimper sa propre voie.
L’ouverture est un processus créatif très personnel, parfois égoïste, qui touche le personnage en son centre : l’ouvreur (elle peut être ouvreuse ou ils peuvent être plusieurs pour une voie). De ses sensibilités, de son style, de sa conception de l’escalade et de l’engagement, de ses moyens financiers (équiper à demeure une voie coûte cher) dépendra le résultat final : la voie. Le nom de la voie portera la patte de la personne derrière les coinceurs ou le perforateur et dépendra de son état d’esprit ce jour-là, de ses derniers amours, de son état de fatigue ou de l’actualité. Une voie est une création car une voie n’existe pas avant le passage de l’ouvreur et est unique. Et si l’ouvreur devient grimpeur et enchaîne sa voie, le processus est complet. Il y a également une éthique puisqu’on respecte l’antériorité des créations en ne modifiant pas des itinéraires ou l’équipement en place dans une voie sans le consentement de l’ouvreur. On évitera d’équiper des morceaux de caillou sans intérêt, trop raides ou pas assez prisus en les laissant vierges si possible pour les générations futures. L’ouverture impose de respect de la nature et des autres et la modestie envers soi-même.
Pourquoi ouvrir des voies ?
La question qui taraude des fois (pas toujours) le grimpeur consommateur est « quelles sont les motivations des ouvreurs ? » Elles sont nombreuses et très personnelles. En ce qui concerne la roche de Narse (01), c’est une création puisque le site d’escalade école né dans les années 2000 est à présent le seul site avec des « petites » grandes voies (Philippe Musatto m’a fait remarqué gentiment un jour à la Palud sur Verdon qu’une grande voie c’est « grand », merci Philippe pour ta leçon d’humilité ;-)) pour tous dans un rayon à 100 km de rayon. Pourquoi ouvrir des couennes ? Pour grimper et s’entrainer pour des projets ambitieux en montagne « gratuitement » en profitant de la nature, en s’affranchissant de l’escalade dans des hangars Climb Machin ou Block Truc qui te prennent pour un numéro client et une CB. Ouvrir est un jeu avec le rocher pour trouver où passer, une sorte de cache-cache vertical avec les prises. Enfin il permet de passer des moments conviviaux avec les copains et copines sur une corde ou une pioche à la main dans des endroits sauvages et nouveaux, c’est en quelle sorte un voyage à côté de la maison.
(Personnellement j’en avais un peu marre de grimper en falaise dans un style de grimpe dominant « dalouze à pieds » sur certains sites de la région lyonnaise. Même si c’est beau la dalle, ça manque de prises et ce qui fait l’intérêt de la grimpe c’est les prises : lire la prose d’Antoine Le Menestrel en fin d’article. A défaut de d’emménager dans la région du Ventoux où se trouvent certaines de mes falaises préférées : Buoux, Saint-Léger du Ventoux, Vénasque avec des prises à gogo, je voulais dénicher des voies dans mon « style » : prisues)
On peut aussi avoir des mentors qui nous ont enseigné cet « art » dans sa vie : un ami ou un moniteur d’escalade investi avec qui on a réalisé ses premiers trous au perfo thermique et ses premiers trous au sika en étant adolescent ou avoir de l’inspiration qui vient d’autres ouvreurs multi-récidivistes des années 70 à 2000 comme les adhérents du club Hot-Roc : Bruno Fara, Jean-Noël Bourgeois, Jean-Christophe Berrard, Eric Revolle pour ne citer qu’eux.
Comme un coureur qui sera plutôt sprinteur ou marathonien, chaque grimpeur a un style qui correspond à sa physionomie et à ses envies. Pour un ouvreur c’est pareil : chacun a un style. Grandes voies ou couennes, plus ou moins d’engagement, voies déversantes ou dalles, ouvertures dans le 5 ou dans le 9.
(J’aime les prises et surtout quand il y en a beaucoup. J’aime la complexité lorsque la lecture des voies est délicate, sans marques de magnésie, quand il faut mémoriser un grand nombre de préhensions et de mouvements, quand certaines prises cassent aussi d’où mon amour pour la roche de Narse, mon « kairn géant » pour reprendre une formule de Cyrille Bouchard, ouvreur prolifique du bas Bugey et de Savoie. J’aime aussi le dévers, la puissance physique qu’il nécessite, les mouvements dynamiques, les mono-, bi- et tri-doigts, les mouvements d’épaule et les gainages, les crochetages de pied dans tous les sens en griffant les prises avec les orteils. J’aime les prises en tendu, moins les réglettes à prendre avec les ongles ou à arquer. J’aime alterner les sections intenses et les repos, et enfin les grands et longs voyages. Voici mon style : vous êtes prévenus !)
Laisser en place l’équipement dans une voie suppose à la base qu’on équipe pour autrui. (J’ouvre moi aussi pour les autres, pour partager ma passion pour l’escalade et ma vision de l’ouverture en lien avec la nature et la montagne : respect du milieu naturel, voies pas toujours aseptisées et grandes voies.)
Le plaisir des FA First Ascent
L’ouverture d’une voie terminée, avec ou sans équipement en place, il est temps de se concentrer sur son « enchaînement » ou sa « libération » dans la pure tradition de l’escalade libre sportive née dans les années 70 : c’est la first ascent ou FA en anglais. Tenter d’enchainer une voie pour la première fois, c’est un peu comme se prendre pour Chris Sharma the King lors du premier enchainement de Biographie sur la falaise de Céüse en 2001.
De surcroit, si la voie n’a jamais été grimpée avant votre passage, vous avez l’exquise sensation d’être le premier à fouler des prises du rocher, un peu comme le premier Homme à marcher sur la Lune. Une sensation unique sur une Terre où l’Homme est partout et où découvrir de nouveaux lieux est rare et précieux.
Histoire d’une voie : de l’ouverture à l’enchaînement
Comme pour ma dernière création de 2020 en grande voie le voyage sur la lunule, je vais vous compter l’histoire de l’ouverture de quelques couennes (voies d’une longueur) sur la roche de Narse (01).
Cette histoire d’ouverture commence à l’automne 2018, saison morte sans neige, sans soleil et avec la pluie dans une sombre vallée du sud du Jura : le Bugey… Une histoire faite de déceptions et de moments de joie, de passion, d’amitiés et d’amours, de tristesse et de peur parfois mais plus souvent de sourires.
Novembre 2018 – les premières voies. J’ai commencé à ouvrir des voies à la roche de Narse depuis maintenant 1 an et je me dis que pouvoir grimper dehors librement à l’abri de la pluie serait sympa : fini les hangars et les entrées à 15 balles pour s’entrainer les jours de mauvais temps. Lors de journées pluvieuses, je me lance donc du bas de la falaise dans l’ouverture de petites voies de 15 mètres protégées de la pluie dans le grand porche de la grotte de Narse. Le rocher est extrêmement mauvais, quelle idée saugrenue de tracer des voies dans un endroit pareil ! J’ouvre du bas en artif une première voie que je nomme Block Out 6b pour faire référence à la brique qui s’est détachée sous mes mains lors du premier parcours de la voie en tête et qui a failli finir sur la tête de Pierre qui m’assurait ! Du relais de cette voie, j’ouvrirais du haut en rappel les autres voies du secteur : l’Envie De Forcer E.D.F. 6b, le Dernier Vol 6a et Hold Up 6c/7a. La purge de ce secteur m’a pris de nombreuses heures pour sécuriser au mortier (la résine) certaines prises : le secteur SAE porte bien son nom.
Décembre 2018 – tentative loupée. En compagnie d’Alex, compagnon du premier jour des couennes à Narse avec beaucoup de temps libre, nous nous lançons dans l’exploration du grand porche de la grotte de 60 mètres de haut. Nous empruntons une vire à mi-hauteur à 30 mètres du sol. Ça déverse fort. On passe pas mal de temps chargés comme des mulets à faire des trucs pas drôles : installer une main courante sur cette vire au milieu du porche, fixer des cordes fixes en plein dévers, équiper des relais, parfois dans du mauvais rocher.
Ambiance BTP/travaux accros ce jour-là, on est loin de la grimpe. On retouche le sol de nuit sans l’ombre d’une voie équipée, fatigués. Dégoûtés aussi. Ce fut une énorme déception ce jour-là ! Alex n’est jamais revenu à Narse après cette journée. Grâce à ce travail ingrat, je commencerai quelques jours plus tard à équiper les deux longueurs du bas de la grande voie Interstellar depuis la vire équipée de la main-courante. L’hiver passe en formation à l’ENSA et sur les skis.
Mai 2019 – les premiers enchainements. De retour à Narse, avec Julien Geffrault, nous équipons sur scellements une voie d’une longueur avec deux sorties début mai 2019 le BEM contre-attaque. La première édition du topo sort en mai 2019 avec ce nouveau secteur : le Secteur Abrité de l’Eau (S.A.E.). 5 voies courtes de 6a à 6c, abritées de la pluie, une petite grande voie Interstellar et une voie ouverte en 2017 la Source 6a. Les premiers parcours des voies par les amis sont épiques : les prises cassent dans tous les sens. Sylvain Conod réalise la première ascension du BEM contre-attaque qui croustille encore. Qui à cette époque n’est pas parti avec une prise dans les mains dans Le Dernier Vol ??? Le casque est plus que jamais obligatoire dans et au pied des voies ! Mais à force de parcours, les voies se tassent… Le muret au bas du Dernier Vol construit avec les blocs purgés et les prises cassées dans la voie est le témoignage de cette époque révolue de casse généralisée. Suite à cette expérience, certains amis resteront à jamais sceptiques sur l’intérêt de l’escalade à Narse !
Premier topo de la grotte en mai 2019 : les 7 voies et les relais déjà en place à 30 mètres du sol
Eté 2019 – à l’assaut des voies dures. Depuis la main courante posée avec Alex en novembre 2018 à 30 mètres du sol, j’accède au sommet du mur central très déversant que j’explore en rappel. Je trouve une ligne puis une seconde. Je ne suis pas satisfait. Pourquoi ? Manque d’homogénéité : la belle sortie de droite est sur bonnes prises mais des pas difficiles ponctuent les longueurs plus bas… Je pose quelques points d’assurage du haut qui permettent de parcourir ces deux voies en tête : Objectif Narse et Paranoïd Androïd étaient nées. Un jour, j’ai une illumination : Narse Attacks! est une variante de départ de la ligne de droite Paranoïd Androïd. D’une difficulté homogène dans ce grand mur déversant sans réellement de pas dur : 30 mètres de dévers soutenus, 4 sections plus intenses sur bonnes prises et 3 repos. Tous les mouvements passent, quelle joie ! A l’époque, impossible d’enchainer des sections entières des deux autres voies, même pas en moulinette… Viennent les premiers essais en tête sur des points très éloignés, je sors la perche à chaque montée (accessoire que je n’utilisais jamais auparavant), je rajoute des points. Narse Attacks! est calée… ouf ! 3 jours auront été nécessaires à l’ouverture de cette voie de seulement 30 mètres ! Pendant l’été, je termine également l’ouverture de la grande voie Interstellar juste à droite en trouvant un chemin d’accès par le haut de la grotte. Ce chantier m’aura pris trois journées supplémentaires. Cet été-là, les montées dans les voies vont bon train avec les copains lyonnais et les personnes rencontrées au hasard à Narse mais sans succès dans l’enchaînement.
Novembre 2019 – encore de nouvelles voies. La seconde édition du topo-guide de novembre 2019 inclus les tracés des 3 nouvelles voies Objectif Narse 7c/8a, Paranoïd Androïd 7c et Narse Attacks! 7b/+ et la grande voie Interstellar. Les couennes difficiles en 7 n’intéressent pas les grimpeurs qui reprennent plutôt les autres voies en 6 de la grotte. Le Dernier Vol est devenue une voie qui fait l’unanimité avec des prises maintenant solides. Deux nouvelles voies sont équipées lors d’une journée de formation à l’équipement et une dernière est commencée, la future Covid-19. L’hiver arrive et avec lui les résurgences qui rendent les voies dures impraticables.
Deuxième topo de la grotte en novembre 2019 : le secteur s’étoffe avec 9 couennes et 1 grande voie « Interstellar »
Mars 2020 – retour à Argis après l’hiver. La dernière voie équipée est nommée la Covid-19 suite au confinement du lundi 16 mars 2020. L’équipement de la voie a été débuté en novembre 2019 lors d’une formation à l’équipement mais ne sera terminé que juste avant le confinement lors d’un stage initiateur SNE organisée par la FFCAM. La falaise retrouve son calme pendant 2 mois.
Mai et juin 2020 – les enchainements des voies dures. Nous sommes dé-confinés le 11 mai 2020. Le covid-19 est passé par là et mon niveau en escalade n’est plus que de… 6b ! Après 1 mois de reprise pénible, je reviens avec de nouveaux amis Théo, Adrien, Étienne et de nouvelles espérances… J’essaie les voies Objectif Narse et Narse Attacks!, parfois sans baudrier pour l’assureur ;-), on s’arrête aux points, on tombe, on trouve ça dur. Les points sont éloignés, sans la perche, c’est difficile. En juin 2020, revenu à un niveau d’escalade que je qualifie de « correct » et compatible avec mon métier de moniteur, j’enchaîne pour la prochaine fois Narse Attacks! Je cote la voie 7a/b plutôt par manque de 7a dans le secteur que selon sa difficulté réelle… c’est aussi ça ouvrir : rendre un secteur attractif en proposant toutes les cotations. Grimpe-t-on vraiment pour une cotation ? Vous apprécierez ma vision de l’escalade en essayant Narse Attacks!, j’en suis sûr ! Narse Attacks! est un bon morceau de grimpe qui demande détermination, technique, gestion de l’effort et continuité. C’est l’une des plus belles voies de la falaise dans ce niveau avec la Boîte à Chat ou Concerto pour Marimba au secteur grandes voies.
Le 6 juin 2020, dans le secteur des piliers en face sud, Sylvain Roche enchaîne en 2 petits essais seulement Dumbo Love 7c+. Quelle performance, bravo ! Ce même mois de juin 2020, nous ouvrons avec Yann Pira et d’autres amis de nouvelles couennes faciles en face sud Tic 4c, Tac 4b, la fissure Pira 6a, des longueurs de la future grande voie le voyage sur la Lunule ainsi que la voie Planète Narse, un projet très certain en 8a/+ qui reste à enchaîner. La roche de Narse compte actuellement plus d’une douzaine de voies dans les niveaux 7b et plus… Ce n’est pas du haut niveau mais ça permet de s’amuser un peu.
Novembre 2020 – de nouvelles ouvertures et la croix. Après une saison estivale très chargée niveau boulot en alpinisme, escalade, via ferrata et canyoning, la période automnale est plus calme. C’est une période idéale pour l’escalade en falaise car c’est la seule période de l’année où les températures sont tempérées et où on ne skie pas. C’est également la bonne période pour équiper et entretenir les falaises les jours de mauvais temps. Le mois de novembre 2020 est le meilleur de ces 3 dernières années. Nous avions connu en 2018 et 2019 des conditions abominables lors des sessions bénévoles d’entretien de la falaise avec de la pluie. En 2020, les conditions sont juste parfaites pour équiper et grimper !
Malheureusement, le second confinement prive de grimpe en falaise de manière injuste pas mal de monde dès le 30 octobre 2020. Les partenaires de grimpe se font rares. Heureusement quelques motivés avec dérogation professionnelle fréquentent la grotte en ces temps compliqués. Avec l’émulation ambiante de quelques moniteur DE de visite à Narse, j’équipe plusieurs extensions de voies dont une nouvelle sortie à gauche d’Objectif Narse. Je rééquipe sur scellements la Covid-19 5c en trouvant une nouvelle sortie, la voie fait à présent 20 mètres ! Au même moment, le 7 novembre 2020, Julia Chanourdie rentre dans l’histoire en enchainant Eagle-4, une voie de Saint-Léger du Ventoux cotée 9b. Quelle performance exceptionnelle !
En alternant équipement et grimpe, je remets des paires dans Objectif Narse en modifiant l’équipement de la sortie pour faciliter les mousquetonnages dans la section rési finale sur réglettes. Après plusieurs essais infructueux dont un sans magnésie (?), j’enchaîne Objectif Narse le 12 novembre 2020 avec Matthias à l’assurage. Thanks buddy! La voie est un possible 7c.
L’important dans la vie est de trouver SA voie
Mais peu importe la cotation de cette voie, la boucle est bouclée… 2 ans après notre premier rappel dans la grotte de Narse avec Alex, j’enchaîne cette voie qui m’aura posé tellement de questions sur les mouvements et sur un équipement adapté à l’enchainement. J’ai réalisé dans ma vie de nombreuses voies de difficulté 7c, parfois au premier essai et à vue mais c’était la première fois que je ressentais autant d’émotions en clippant le relais d’une voie comme si tous les moments de doute, les déceptions, les succès et les sourires défilaient d’un coup dans ma tête. Quelle profonde joie de faire la croix ! Plus que jamais je réalise que ce qui nous rend heureux dans la vie, c’est de trouver SA voie.
Petit descriptif d’Objectif Narse : après un début à bras dans le 6c/7a Hold Up, les difficultés commencent par de nombreux bidoigts qui conduisent à un bac et à un grand jeté sur une réglette. Après un repos relatif sur bonnes prises, et un grand mouvement, on passe un bombé sur bi- et mono-doigt en rocher moyen avant d’atteindre un très bon repos. La sortie en très beau rocher est à dominante résistance sur de bonnes réglettes. La cotation de 7c figure en bas de la voie et sur le topo. Avis aux futurs répétiteurs, j’attends vos retours sur la voie !
Il ne reste actuellement plus qu’un seul projet dans la grotte avec une section très dure à la sortie… à suivre.
Ouverture : lancez-vous !
Je conseille à tous les grimpeurs qui ont un peu de temps et qui ont envie de se lancer dans de beaux projets personnels d’équiper des voies… ou de ré-équiper des voies existantes. Dans les 2 cas, vous vous ferez plaisir et ferez plaisir à plein de monde 🙂
Je termine cet article sur l’ouverture en escalade avec un texte d’Antoine Le Menestrel figurant dans le topo de Buoux qui, je l’espère, vous inspirera :
Florilèges surprises
La vie d’une voie.
Ouvrir une voie c’est suivre une ligne de prises sur la paroi minérale,
c’est préparer les prises afin de la grimper et enfin la baptiser.
Être ouvreur, n’est-ce pas être créatif dans l’adaptation au rocher ?
La prise est l’appui sur lequel repose notre pratique.
L’escalade naît à la première prise et expire à la dernière.
Chaque prise est unique et fait partie du patrimoine minéral
et gestuel de l’escalade.
Les prises sont le talon d’Achille de notre pratique.
On peut volontairement les casser, les agrandir, les reboucher,
les tailler, les reboucher, …
Les prises sont à la merci du vouloir des ouvreurs et des grimpeurs.
Les prises ont leur propre vie, elles s’usent avec le temps,
elles se cassent sous des préhensions répétées
et elles deviennent particulièrement fragiles après une pluie.
La tendance d’une voie d’escalade est de devenir de plus en plus difficile.
Une prise s’use avec les passages. Elle est toujours victime de son succès.
Une prise a sa forme, sa dimension, son orientation, sa couleur.
Elle est une note sur la partition minérale
et nous sommes des danseurs qui interprétons cette chorégraphie.
Nous sommes tel un caillou qui ricochons sur les prises.
Chaque prise a sa voisine. Le hors prise n’existe pas.
Une prise est un point de contact qui relie tous les grimpeurs,
nous y laissons sueur, sang, terre, gomme, magnésie et résine.
La prise est porteuse d’un mouvement à réaliser.
La prise est porteuse d’une surprise.
Antoine Le Menestrel