Grande voie en Chartreuse : la voie de la Grotte au Rocher du Midi
Située sur la magnifique paroi est du Rocher du midi en Chartreuse, la voie de la Grotte aurait pu s’appeler la voie américaine puisqu’elle a été ouverte en 1963 par Stewart Fulton et Gary Hemming, 2 grimpeurs américains connus notamment pour ouvrir la même année la voie américaine en face sud de l’aiguille du Fou dans le massif du Mont-Blanc en compagnie de John Harlin et Tom Frost. En 1962, Gary Hemming avait ouvert la célèbre Directe Américaine au petit Dru en compagnie de Royal Robbins, une autre voie mythique du massif du Mont-Blanc. A cause de cette petite cavité perchée en pleine paroi, il n’en fut rien. La voie de la grotte est un petit chef d’œuvre d’escalade des préalpes calcaires et la visite de la grotte mérite le détour à elle seule. Après avoir escaladé sa voisine de gauche la voie Coupé, appelée aussi face Est, avec Stéphane dans les années 2000, j’aurai mis un peu de temps à découvrir cette fameuse grotte. C’est chose faite en 2018 en compagnie de Justine pour sa première grande voie en terrain d’aventure.
Photo de couverture : dans la grotte qui a donné son nom à la voie
Dominant le Grésivaudan (la vallée de l’Isère), la paroi des rochers du Midi est la continuation de l’imposante face Est de la dent de Crolles située à sa gauche. La face de 200 mètres de haut a la caractéristique d’être déversante dans sa partie haute si bien que la grande tâche jaune formée par l’absence de pluie à cet endroit est assez caractéristique.
Nous sommes partis de l’ancien centre médical des petites roches. Il faut compter une bonne heure et demi d’approche et de préparation avant d’attaquer. Après une petite sieste en bas de la paroi pour laisser partir les 3 cordées devant nous, il est presque midi quand nous enfilons les chaussons. Avec nous, une seconde cordée composée de Christelle et Yann part dans la voie Coupé située juste à gauche de la voie de la grotte.
Autant vous prévenir tout de suite : ça traverse. Pour une paroi de cette taille, je ne m’attendais pas à faire autant de longueurs (15 longueurs !), ce qui rallonge nettement le temps d’escalade d’autant plus si on ne grimpe pas en réversible.
Autant le dire : la première longueur peut en calmer certain.e.s ! Le départ actuel ne reprend pas le tracé original de la voie mais part dans la 1ère longueur de la voie du Lion. Cette longueur consiste à escalader 10 mètres dans du rocher moyen jusqu’à un piton équipé d’une veille cordelette. Je ne ferais pas confiance à ce piton ni à la cordelette si j’étais vous, heureusement la longueur à partir de ce piton est bien fournie en fissures de tailles diverses et se protège bien sur coinceurs mécaniques et cablés… les 10 premiers mètres mettent tout de suite dans l’ambiance mais courage !
Arrivés à la première vire on traverse à droite toute pour trouver R1.
Les longueurs suivantes sont très jolies. La deuxième longueur bien fournie en pitons grimpe bien dans du rocher raide et le pas d’artif à la sortie m’a paru stratosphérique à faire en libre… j’ai du louper un truc. Attention a bien gérer le tirage dans cette longueur. Ensuite ça se calme un peu et ça reste très joli. Les protections naturelles complètent parfaitement les pitons disposés ici et là, si bien que l’escalade n’est pas engagée. La plupart des relais sont équipés d’un goujon à expansion de 10 mm en inox.
Je pense qu’il y a pas mal de variantes pour arriver finalement 5 ou 6 longueurs plus haut sous le grand dévers caractéristique de la paroi. Des pitons parsemés indiquent l’itinéraire qui est assez logique. Ce jour-là, 2 cordées engagées au-dessus nous ont bien arrosés : attention aux chutes de pierres d’autant que ça zigzague et qu’on se retrouvent souvent les uns sous les autres !
Partis à 2 cordées, à notre gauche, nous pouvons voir le fil du pilier Est et Christelle et Yann dans la voie Coupé.
Après une grande traversée avec un mini-rappel qui vous fera réviser l’aide au second en traversée et 2 jolies longueurs qui grimpent en 6a et 6b, nous arrivons au clou de la voie : la fameuse grotte. C’est assez original parce qu’on rentre à droite et on sort par un petit trou à gauche ! Le petit relais sur un piton dans la grotte vous donnera des sensations quand vous partez dans la longueur d’après… assurage sur le relais conseillé sous peine que le second se cogne la tête en cas de chute du leader dans la longueur d’artif qui suit !
On sort de la grotte par du tire-clous sur 8 mètres en A0. Pas besoin d’étriers mais je n’avais pas pris de marteau : je conseille vivement d’en apporter un car en cas d’arrachement d’un des pitons de cette longueur, on aurait été obligés soit de descendre (très compliqué) soit d’emprunter la fissure large pour camalots #3 et #4 sur la gauche. Après la longueur d’artif, on rejoint la belle fissure dièdre qui longe le bord gauche de la partie déversante de la paroi sur une quarantaine de mètres. Cette section est vraiment classe avec du gaz et se protège super bien sur coinceurs en plus des pitons ici et là.
On rejoint la brèche et la voie Coupé et en même temps notre seconde cordée : synchro ! La longueur qui suit est démente : dévers et bacs avec un assurage naturel et sur pitons. Juste dément ! Arrivés à la vire au-dessus, on enquille une dernière longueur facile de 50 mètres dans des cheminées et des vires jusqu’au sommet. Il est 20 heures ! Nous avons passé 8 heures dans la voie ce qui est un horaire plus que correcte pour notre cordée 🙂
La descente se fera en grande partie de nuit avec 3 puis 2 frontales pour 4… Si vous choisissez la descente à pied, attention aux pentes d’herbe qui peuvent être glissantes. Le terrain est bien montagne et il faut prévoir une bonne paire de chaussures.
L’aventure se termine à 22 heures à la voiture. Ouf !
Une superbe journée passée en montagne avec en toile de fond le massif de Belledonne et la vallée de l’Isère. La paroi du Rocher du Midi est raide et l’escalade est longue sans jamais être extrême en difficulté. A part quelques rares passages engagés, les protections naturelles sont faciles à placer et complètent parfaitement l’équipement en place à base de nombreux pitons. Le passage de la grotte est juste magique. Tous ces éléments font que la voie de la grotte est l’une des plus belles voies de Chartreuse et des préalpes calcaires.
Topo : le croquis du topo Duhaut/Peyre m’a paru beaucoup trop approximatif. Merci à la connexion 3G dans la face et au croquis d’ensemble en couleur de C2C. Dans tous les cas, de nombreuses variantes d’itinéraire sont possibles.
Équipement : de nombreux pitons dans les longueurs et 1 goujon à expansion inox de 10 mm à la plupart des relais. Nous avions un jeu de camalot jusqu’au #3 et un jeu d’aliens, 8 dégaines dont des rallongeables.
Pratique : boulangerie à Saint-Hilaire du Touvet et bar au camping un peu plus loin en venant de Grenoble (ouvert en saison).
Découvrez l’escalade dans le massif de la Chartreuse avec un guide de haute-montagne :
lien vers le site Équilibre Vertical